La chasse est une nécessité. Part II

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François Le Moyne (1688-1757) – Diane revenant de la chasse

 

La vraie chasse

A l’âge de 18 ans je me suis initié à la véritable chasse : dans une vraie forêt sauvage loin de l’Europe, sans nourriture, sans provisions d’eau, avec un couteau, un fusil et 10 allumettes pour une semaine et pour 4 personnes. La quatrième personne étant notre moniteur.

Nous avons chassé plusieurs fois (pour manger) – du gibier, un élan, un sanglier. Mais au final, nous n’avons eu qu’une bécasse des bois et un canard (en une semaine). Les mauvais chasseurs ? Non. Les vrais chasseurs avec les principes (!):

Qu’est-ce que nous avons mangé pendant une semaine ? Pratiquement rien. Qu’est-ce que nous avons bu ? De l’eau des flaques et des marais, bouillie au préalable. Nous n’étions pas chasseurs, nous apprenions à survivre. Voici comment nous chassions l’élan et le sanglier :

  • nous enlevions tout vêtement en nylon (les branches contre cette matière artificielle font un bruit non naturel pour la forêt et les animaux l’entendent au loin),
  • nous mettions de la boue sur toutes les parties du corps non-couvertes (non pas pour faire comme au cinéma, mais pour masquer nos odeurs et nous mettre aux couleurs naturelles de la forêt, auxquelles les animaux sont habitués),
  • nous ne parlions pas, mais communiquions avec les signes (non pas pour faire comme des commandos, mais pour ne pas nous faire repérer par les oreilles animales incomparablement plus sensibles que celles d’un humain),
  • nous nous déplacions comme des ombres sans faire de bruits, en évitant les flaques d’eau, les branches et les arbres morts,
  • nous aiguisions la vue et l’ouïe à leur summum,
  • nous suivions les traces pendant des heures, en apprenant à déterminer leur « fraîcheur »,
  • nous nous entraînions à approcher l’animal à son insu (contre le vent), le plus près possible sans nous faire repérer.

 

Des histoires de vrais chasseurs

elan-chasse-necessiteEt un jour, nous avons approché un élan broutant de l’herbe à moins de 50 mètres – sans chiens, sans clairons, sans délimitations. Les derniers 20-30 mètres nous rampions à plat ventre. Cela nous a pris pas loin d’une demi-heure.

Je n’ai jamais vu auparavant un élan même dans un zoo. Ici, je le voyais en face de moi dans son élément, chez lui. Il mangeait de l’herbe et les feuilles d’arbres. C’était magnifique. A un moment il s’est paisiblement couché. Nous avons compris qu’il ne sentait pas notre présence.

L’art de la vraie chasse !

On n’a tiré qu’une fois. La balle a frôlé sa nuque et explosé une branche derrière lui. Instantanément il s’est relevé et a disparu dans la broussaille en moins de quelques secondes. On ne pouvait plus que l’entendre s’éloigner.
Pour ma part, j’ai été content au fond de moi qu’il ait pu partir. La balle l’ayant à peine touché n’a pas suffi pour abattre plus de 500 kg. Nous avons vu quelques goûtes de sang à l’endroit où il était couché, et en suivant sa trace pendant une heure, avons compris que ce n’était qu’une infime blessure – l’élan est parti bien loin à travers les marais.

La philosophie de la chasse

Au coucher du soleil nous tentions de chasser du gibier. Nous avons passé pas mal de temps dans le froid en se débâtant des moustiques, tout en ayant faim et soif après voilà 4 jours de marche du jour comme de nuit.
Au bout de deux heures de cachette, notre moniteur a touché une bécasse. L’oiseau est tombé en plein marécage dans le noir de la nuit qui s’installait. J’ai immédiatement pensé “encore rien à manger”. Quel était mon étonnement lorsque le moniteur, en se retournant vers nous, a sorti la phrase qui m’a tétanisé : « Qui va la chercher ?»…

La température de l’air n’était pas plus de 14°. Bouche bée, je ne savais pas comment réagir. Et sans attendre de réponses, le moniteur a tout enlevé en bas de la ceinture et rentré dans l’eau (justement jusqu’à la ceinture). Les premières secondes on entendait dans l’obscurité ses gros soupirs (la température d’eau ne devait pas dépasser les 7°), ensuite on voyait sa silhouette faire le tour d’une grosse touffe d’herbe en cherchant la bécasse. En restant sur la rive et assistant à la scène, on se disait tout bas « il est complètement fout, il a pété une durite… ». Une à deux minutes plus tard il est sorti de l’eau avec l’oiseau dans les mains, et en tremblant pratiquement de tout corps a dit la chose la plus sensé que j’ai jamais entendu sur la chasse :

Si vous tuez – vous mangez la proie, que vous le voulais ou non. C’est la loi de la chasse.

Nous avons galéré pendant une bonne heure pour faire du feu avec du bois humide, avant de pouvoir faire une soupe avec cette minuscule proie. Il faut savoir qu’en termes de viande sur une bécasse il y en a à peu près autant que sur un moineau. Ce fut notre dîner pour quatre… Ensuite nous avons mâché les os, longuement discutant des choses essentielles de la vie autour du feu, pour s’endormir tour à tour une petite heure avant la levée du soleil.

Si tu tues – tu manges ta proie. Voici le slogan des vrais chasseurs. Ça coule de source que l’on chasse pour manger et (si possible) pour s’habiller. On chasse donc pour survivre ! Et en aucun cas pour en faire un loisir avec un intérêt sportif, voire compétitif. Ni pour créer des belles fourrures et des beaux sacs et chaussures. Ni pour décorer les murs avec les têtes empaillées pour montrer aux copains… D’ailleurs, je me suis toujours demandé:

Pourquoi est-il considéré normal de se prendre en photo avec les animaux tués, tandis que les soldats se faisant prendre en photo au-dessus d’un mort humain provoquent des scandales internationaux ?

 

La chasse est une nécessité vitale et non pas un plaisir, ni un but lucratif !

Certains pourront me dire que les animaux (comme, par exemple, les chats) tuent aussi pour le plaisir. Alors, je répondrai – ne nous concentrons pas sur une minorités. Dans le monde animal, rares sont les prédateurs tuant pour le plaisir. De surcroît, les chats majoritairement assouvissent leur besoin de chasse en étant nourri par l’homme, c’est donc en partie le même principe du plaisir que chez l’homme contemporain.

Et ne généralisons pas ! Les animaux chassent avec leurs corps et sans outils. Ce qui est de loin le cas de l’homme qui, avec ces filets, fusils à lunettes, chiens, et j’en passe et des meilleurs, peut être comparé à un terminateur. Ou devrais-je plus tôt employer le terme « exterminateur » ?

En dehors du fait d’être le plus grand prédateur terrestre en chassant avec les moyens modernes – l’homme contemporain (surtout dans les pays développés, comprendre “essentiellement occidentaux”) ne peut plus se comparer aux chasseurs d’autrefois. Car ce n’est plus de la chasse, mais du meurtre légalisé et détourné en maintien des espèces, destruction des nuisibles, protection de l’habitat de l’homme, protection de la nature…

Alors que dire du plaisir de vider le chargeur sur un oiseau dans son jardin,
juste pour rire ???

 

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