Mode de vie en URSS – “tout pour les citoyens”

Chez les soviets il y avait un slogan: “tout pour les citoyens“. Il sous-entendait que le communisme mettait à disposition du peuple tout dont il pouvait avoir besoin. Autrement dit, tout était sensé être fait pour le bien du prolétariat. Effectivement, l’éducation et la médecine, gratuites toutes les deux, étaient en accès libre. Même si la qualité de la médecine pour le commun des mortels n’était pas du tout comparable à celle octroyée aux apparatchiks. Mais passons. Et parlons d’un autre côté de ce slogan. 

Le mode de vie dans un pays comme l’URSS (sans citer d’autres « démocraties » du genre, comme la Corée du Nord) est un paradoxe à part entière. Vivre dans un immeuble moderne ne signifiait aucunement vivre comme des gens modernes. Comme, par exemple, l’ascenseur dans un immeuble de 12 étages fonctionnait seulement de 7h à 19h, sans parler du fait qu’il pouvait être arrêté pendant une semaine pour les travaux, après quoi il continuait à tomber en panne jusqu’à 4 fois par jour. Et je vous prie de me croire, je n’exagère point!

 

Aqueduc

Une fois par an, ou dans certaines villes plusieurs fois par an, les services municipaux coupaient l’eau chaude pour la soi-disant prophylactique et l’entretien du réseau des eaux. Tenez-vous bien, cette coupure d’habitude était planifiée pour 3-4 semaines courant les mois d’été. La réalité étant que d’habitude cette coupure pouvait durer jusqu’à 2-3 mois…

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Aqueduc d’un Data-Center de Google ©

L’entretien devait se faire pour assurer les hivers froids. Néanmoins, malgré les travaux prophylactiques annuels, au premier gel de chaque année les tuyaux souterrains d’eau chaude explosaient (pour cause de différence de températures). Conséquence ? Coupure d’eau générale le temps de colmater la fuite et de maîtriser la pression dans le réseau. Et je ne m’étalerai pas sur la « rapidité » d’intervention d’une équipe, en règle générale, à moitié saoule, ainsi que de leur efficacité de travail à moins 20C° avec les outils du moyen âge. Car le matériel neuf et fonctionnel est naturellement volé à l’amont par tous ceux qui y ont accès.

Au final, les habitants d’immeubles se retrouvaient à faire la queue aux points d’eau avec ceux des vieilles maisons en bois (lire ici à propos de ces maisons) qui n’avaient jamais d’eau courante. Ou, alors, on allait chercher de l’eau chez les amis dans les immeubles miraculés — n’ayant pas subi la coupure.

Curieusement, les habitants des grandes villes (d’importance nationale), comme Moscou et St-Petersbourg, n’ont point connu ce genre de pratiques. Tout y était mis en œuvre pour garantir un fonctionnement régulier. Bien sûr ! Le gouvernement, les ambassades et les consulats étrangers y étaient logés. En revanche, le reste du pays (vivant dans les immeubles «modernes») considéraient ces coupures parfaitement normales. Pour une simple et bonne raison que depuis toujours à l’URSS c’était comme ça. Peu se posaient les questions sur la normalité des choses, en particulier en absence de possibilité de comparer avec d’autres pays. Rappelons-le, l’URSS “fleurissait” et construisait son avenir radieux derrière un rideau de fer – physique et informationnel.

 

Electricité

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Serveurs d’un Data-Center de Google

Les coupures d’électricité, quant à elles, étaient tout bonnement régulières. Il ne s’agissait guère du froid ou d’une prophylaxie. Les coupures de quelques minutes / heures / jours étaient considérées parfaitement normales, elles aussi. Le vent qui arrache les fils électriques. La pluie qui érode les installations. Les orages qui font sauter les plombs à l’unité de distribution. Une erreur humaine (l’alcool ou négligence ?). Le générateur qui s’arrête à la centrale. Peu importe la vraie raison, elles étaient innombrables et toujours “inévitables” et non punissables. Cette anarchie était omniprésente et faisait partie de la normalité!

Lorsqu’on téléphonait à la centrale pour se renseigner sur le problème, une fois sur deux personne en n’était au courant. Et parfois on pouvait entendre à l’autre bout du fil «bah tout le monde allume la télé en même temps, qu’est-ce que vous vouliez ?»… Les plombs de la centrale sautaient parce que quelques milliers d’ampoules et/ou de télés étaient allumées simultanément dans un quartier de la ville – chez les constructeurs de l’avenir lumineux c’était évidemment normal. Pas de quoi s’inquiéter.

Les citoyens de ce pays “égalitaire” et « équitable » ne pouvaient même pas imaginer la vie autrement. Pour tous ces gens on ne pouvait pas vivre sans coupures d’eau et d’électricité, parfois quotidiennes.

 

A LIRE LA REFLEXION SUR

 

Mode de vie – Parallèle

Comme des millions de soviétiques, je vivais en plein milieu toute cette normalité des choses. Pire – je me considérais heureux ! Puisque je ne connaissais pas d’autres modes de vie. Plus tard en découvrant d’autres pays et leurs modes de vie aux antipodes, j’ai réalisé toute la profondeur de la moralité :

Tout se comprend à travers la comparaison…

Aujourd’hui, en voyant le fourvoiement général autour de moi – j’ai une envie irrésistible d’apporter mon obole au changement des esprits occidentalisés, selon moi indispensable. Postulat: le mode de vie strict et inconfortable forge le caractère; et le caractère est avant tout la projection de l’esprit de l’individu. Ainsi, l’esprit davantage forgé permet une meilleure appréhension des événements au quotidien, et une approche plus philosophique des choses.

Le but de ma série d’articles sur l’URSS n’est pas de critiquer le pouvoir soviétique ni ses méthodes, mais de passer les parallèles entre deux modes de vie: celui que vous connaissez et l’autre ayant existé en URSS, et existant en Corée du Nord à l’instant même où vous lisez ces lignes. Je vous le concède : dans un pays où depuis au moins deux générations les grèves pour un tout et pour un rien sont quotidiennes, il est difficile de concevoir quelque chose de semblable. Mais personne n’est démuni d’imagination. Projetez-vous y, alors!

Je serais curieux de savoir – combien de personnes de mon âge (et moins âgées) en Europe occidentale ont, ne serait-ce que, connu un mode de vie semblable, sans déjà parler de l’avoir vécu ou pratiqué comme étant normal? Combien ont porté les seaux d’eau à pied au dixième étage pour pouvoir utiliser les wc et laver la vaisselle? Combien ont fait leurs devoirs à la bougie ou avec une lampe de poche? Combien allaient au magasin avec de l’argent en poche sans pouvoir y acheter quoi que ce soit, parce qu’il était complètement vide?

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