Entreprise bulgare vue par les français – 2/3

 

❝ Toute culture puise ses sources dans l’histoire de son peuple. La Bulgarie a une histoire riche et complexe. Ceci doit indubitablement élucider les écarts importants avec la culture occidentale dans la manière des Bulgares de concevoir, notamment, le monde du travail. ❞

Dans la thématique des «Discussions Interculturelles», ancien directeur de projets – Yann Séjourné, et Laurent Tabouelle – directeur général adjoint de la société CodiX (éditeur de solution logiciel unique dédiée à la gestion événementielle des dossiers de plusieurs métiers) partagent leur expérience professionnelle de 15 ans en Bulgarie et avec les Bulgares.

 

 

Entreprise bulgare

entreprise-bulgare-vue-par-les-francaisAvant tout, pourquoi la Bulgarie ?

Un des actionnaires historiques de CodiX est bulgare. Dans les années 90 la Bulgarie, comme tous les pays du bloc soviétique, était en plein essor et, bien entendu, avec les salaires bas. Ce fut une bonne opportunité pour CodiX à la fin des années 90, quand il y avait pénurie de développeurs en France à cause du passage à l’an 2000 et la préparation du passage à l’euro.

Quant à la condition de femmes en entreprise — occupent-elles des postes à responsabilité, comme des top-manageurs, quel est le rapport de salaires hommes / femmes ?

Dans les sociétés purement bulgares, on retrouve la même situation qu’en Europe de l’Ouest il y a 10-15 ans.  Dans les sociétés à influence occidentale, une égalité homme-femme est sensiblement plus présente, bien qu’il faille dire que même en France, encore aujourd’hui, les femmes sont toujours désavantagées à qualification égale. D’ailleurs, l’égalité parfaite n’existe nulle part, y compris dans les pays développés, aussi progressistes soient-ils.

Globalement les femmes bulgares peuvent accéder à des postes de responsabilité selon leurs compétences, même s’il y a encore très peu de femmes dans les postes de direction.

Quelles sont les particularités sociales en entreprise ?

Les Bulgares aiment les célébrations (anniversaire, fête du nom, naissance, achat de voiture, etc…) qu’ils partagent avec l’ensemble de la société en amenant des bonbons, biscuits ou autres gourmandises, accompagnés d’une note à l’ensemble de la société. Les « pots de l’amitié » sont également assez fréquents pour diverses raisons.

La maternité est très protégée au niveau social : les femmes peuvent s’arrêter jusqu’à 3 ans pour chaque grossesse, en avertissant l’employeur au dernier moment de sa date de retour.

De manière générale, les salariés bulgares peuvent être qualifiés de « râleurs », mais ils s’adaptent facilement aux procédures et globalement en sont demandeurs.

Et quant à l’appartenance à l’entreprise ?

Les salariés les plus jeunes ne sont pas attachés à la société et beaucoup travaillent non pas pour se construire une carrière, mais pour gagner suffisamment d’argent pour s’amuser ; cependant il semble que cette tendance n’est pas propre à la Bulgarie, ce phénomène est apparemment transfrontalier — problématiques de génération X. Ceci est beaucoup moins vrai chez quadragénaires. (lire aussi Pourquoi la génération Y est insatisfaite et malheureuse ?)

On dit souvent qu’il est plus difficile de vendre à l’étranger, car les locaux préfèrent traiter entre eux. Ça proviendrait du manque de maîtrise des codes locaux et du mode de communication par les commerciaux — en d’autres termes mauvaise connaissance de l’autre culture, ce qu’on appelle aussi le handicap culturel. Avez-vous ressenti la même chose en Bulgarie ?

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Théâtre romain à Plovdiv, Bulgarie

Sachant que nous travaillons avec des Anglais, des Américains, des Tunisiens des Bulgares, des Polonais, etc. — globalement on peut dire que c’est vrai quasiment dans tout pays, et en effet, la Bulgarie n’en fait pas exception. Lorsqu’on essaie de vendre dans une autre culture on se heurte toujours à cette difficulté de la non- ou mauvaise connaissance des codes locaux qui forment justement la culture. Pour une bonne partie, c’est bien sûr avant tout une barrière psychologique, mais elle est réellement un frein dans l’avancée commerciale. Pour l’anecdote, lors d’une réunion avec un prospect américain, il nous a été demandé si en France on avait les routes goudronnées partout … En revanche si un autochtone est embauché, les ventes se décrochent beaucoup moins douloureusement.

Mais cela ne veut pas dire que les Bulgares ne sont pas ouverts aux étrangers. La preuve : de toutes les chaînes de supermarchés en Bulgarie une seule est bulgare, les autres sont étrangères. Même si, en l’occurrence, cela ne s’explique pas uniquement par l’ouverture d’esprit, mais par toute une panoplie de raisons, notamment économiques.

Est-ce que généralement les sociétés occidentales embauchent les commerciaux locaux et les forment, ou expatrient leurs commerciaux en Bulgarie?

Elles embauchent les commerciaux locaux, formés par des expatriés lors de leur première année.

Quelles sont les difficultés principales en Bulgarie dans votre domaine d’activité ?

Le turnover et le niveau des jeunes diplômés en finance et informatique ces dernières années qui fait douter de la qualité des écoles (néanmoins, les diplômés en mathématiques restent très bons). En dehors de cela, les difficultés viennent principalement de la communication et des différences culturelles.

Mais en même temps le turnover ne concerne pas que notre activité. Il est propre à tous secteurs confondus. Les Bulgares ont une attache assez faible à l’entreprise, et une offre de travail quelques centaines de levas supérieure suffit à motiver une démission. Même si le travail mieux payé est moins intéressant et/ou enrichissant, voire sans aucune valeur comme, par exemple, un centre téléphonique. Ne sont pas rares les cas où, 1-3 ans plus tard ils reviennent et acceptent de revenir aux conditions d’avant le départ en perdant les avantages d’ancienneté. Nous reprenons certains collaborateurs au cas par cas en fonction des besoins de la sociétés et des profils.

Quelles sont les difficultés principales au travail avec vos collègues, subordonnés ou patrons bulgares ?

Le style de communication est sensiblement plus direct que chez nous et aussi, culturellement, en Bulgarie ce n’est pas bien grave de ne pas utiliser les formes de politesse pour demander quelque chose à quelqu’un. Et même les Bulgares travaillant depuis plusieurs années avec les étrangers et informés que toutes les cultures ne sont pas identiques, n’adaptent pas leur style de communication, lorsqu’ils s’adressent aux autres cultures. Pour vulgariser – ils rentrent dedans pour déclencher une réaction chez l’autre. Ce qui génère pas mal de conflits en interne, tout comme avec les clients. Il n’y a cependant aucun problème pour avoir une discussion avec n’importe qui.

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Veliko Tarnovo, Bulgarie | © http://bit.ly/1GWOnk3

Concomitamment à la rudesse typique dans la communication bulgare, il faut apprendre à travailler avec d’autres caractéristiques des salariés bulgares.

Absence de reformulation par les Bulgares, afin de vérifier la bonne compréhension de la demande. Si ce n’est pas le cas, le bulgare ne va pas poser de questions. Il va faire selon son idée, quitte à ce que ce soit complètement hors sujet. De manière récurrente, nous avons des situations où il faut expliquer à un employé que ce n’est pas ce qui a été demandé, qu’il répond à côté de la question voir totalement à l’opposé, et ceci parce que l’employé n’a pas pris le temps de s’assurer qu’il a bien compris la demande.

Par ailleurs, le véritable problème est l’absence de communication au moment des retards des livrables. Le bulgare a tendance à ne communiquer que quand le travail est dans les clous. La raison principale est le manque chronique d’anticipation et de volonté de planifier le travail. Pour résumer, les salariés Bulgares vivent et travaillent dans l’immédiat avec la tactique de l’autruche pour la suite, au point de se retrouver au pied du mur et devoir admettre le problème, lorsqu’il est trop tard. En somme, notre société dépense des sommes et faits des efforts substantiels pour garder ces singularités sous contrôle.

Un autre exemple. A part les Bulgares, CodiX travaille avec les Français, les Vietnamiens et les Tunisiens. Les Bulgares ont fortement tendance à penser que ce sont eux qui font l’essentiel du travail. Aussi, c’est assez difficile de les faire collaborer avec les collègues des autres pays. Il faut vraiment faire ses preuves sur une très longue période et “sans fautes” avant d’être « accepté ».

Quant à la maîtrise des langues étrangères ?

La moyenne des langues étrangères parlées en Bulgarie est supérieure à la moyenne française. Beaucoup parlent anglais, français, allemand et assez souvent russe. Mais, sans vouloir être redondant, malgré cet avantage indéniable, les difficultés dans la communication, et donc dans l’organisation d’entreprise, se cachent derrière les attitudes et la mentalité des gens.

Est-ce que les Bulgares sont directs et vont droit au but (dans les emails, pendant les conversations téléphoniques, en réunion) ?  Ou est-ce qu’une introduction sur la pluie et le beau temps est nécessaire pour disposer la personne, ou l’équipe ?

Plutôt droit au but, mais peu communicatifs. Si on ne pose pas les bonnes questions, ils ne les mettent pas naturellement sur le tapis, même si cela concerne davantage la communication hiérarchique que culturelle.

Comment on négocie en Bulgarie ?

La négociation à la bulgare est très fortement basée sur le contact humain. Obtenir un accord « entre hommes » droit dans les yeux avec son interlocuteur est essentiel.

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