Conseils à Theresa May sur les relations avec la Russie
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Cet article a été écrit début septembre 2016 (à peine deux mois après la prise de fonctions de Theresa May) par un consultant en management interculturel britannique qui exerce à Londres. Il m’est déjà arrivé de traduire son analyse très pertinente et réaliste sur le conflit en Ukraine.
A la lecture du présent article, il m’a paru intéressant et utile de le soumettre à mes lecteurs francophones (et russophones) comme un point de vue d’un occidental (jusqu’il y a récemment européen), tout à fait indépendant et non-instrumentalisé. En l’occurrence, son article s’appuie sur celui d’Anthony Brenton (l’ancien ambassadeur de Grande Bretagne en Russie) dans The Telegraph.
Alors, comment Theresa May pourrait faciliter la relation avec Vladimir Poutine grâce aux savoirs de base, bien loin du politiquement correct médiatique ? Cette analyse, basée sur l’élucidation culturelle de la mentalité russe, n’est bien sûr pas complète, compte tenu de la concision de l’article. J’attire votre attention sur ce fait, afin d’éviter tout genre de jugements hâtifs, car un article d’à peine 800 mots ne peut consigner une culture toute entière. En outre, le présent billet n’a pas vraiment pour objet une analyse sociologique.
ARTICLE ORIGINAL
« Some Advice to Theresa May on Dealing with Vladimir Putin » par Matthew MacLachlan
© Reproduced here with kind permission of Communicaid | L’article reproduit avec l’autorisation de Communicaid
Ainsi, il serait opportun que Theresa May, Première ministre britannique, reçoive quelques conseils avant de rencontrer Vladimir Poutine.
Certains sont plus égaux que d’autres
La première leçon risque d’être rude pour la nouvelle Première Ministre Britannique qui tente d’établir une réputation ferme et sérieuse. Les Russes sont terribles lorsqu’il s’agit de recevoir un conseil, et ils n’aiment pas qu’on leur dise ce qu’ils ont à faire, en particulier lorsque ça vient de l’étranger. Malgré une expérience socialiste de 74 ans, l’égalité n’est pas vraiment dans le sang des Russes. Ils ont plutôt tendance à avoir une hiérarchie verticale avec le pouvoir concentré au sommet de la pyramide sociale.
Les Russes ne sont pas vraiment reconnus pour leur subtilité et ils respectent la force. Depuis quelques temps, ils avaient tendance à ne voir en la Grande Bretagne qu’un pion des États-Unis ou qu’une pierre de l’édifice européen. Le Brexit pourrait donc rendre la Grande Bretagne, et la relation avec Theresa May, plus intéressantes qu’avant.
Elle sera obligée d’accepter le fait que Poutine s’adresse au Royaume-Uni en tant que président d’une grande et forte nation face à un petit pays ayant perdu son attractivité. Aujourd’hui, Russie et Royaume-Uni ne peuvent avoir une relation d’égal à égal. Elle sera aussi obligée de comprendre que la Grande Bretagne n’a que peu de choses à offrir aux Russes, en termes d’avantages commerciaux. Enfin, il lui faudra apprendre que les Russes commencent les négociations avec un « non », en partie pour tester leur interlocuteur, mais aussi pour accentuer le fait qu’ils sont en position de force.
Méfiance historique
La Russie est un immense pays, dont les frontières ont toujours été repoussées par des envahisseurs et dont le peuple s’est toujours senti sous-estimé au niveau international. Les Russes connaissent l’histoire de leur pays et se méfient des étrangers. Nous célébrons l’amitié avec l’Allemagne 70 ans après la Seconde Guerre mondiale, mais les Russes continueront toujours à commémorer leurs morts le 9 mai de chaque année. Il ne serait d’ailleurs pas absurde de supposer que les alliés ont expressément retardé le débarquement en Normandie, afin que les Allemands épuisent l’armée soviétique au maximum.
Les médias britanniques ont oublié qui étaient Alexandre Litvinenko et Boris Berezovsky. En revanche, Poutine se souvient très bien que c’est la Grande Bretagne qui a donné l’hospitalité aux deux traîtres et critiques publiques de l’état russe. Tout comme il n’est pas prêt d’oublier que Theresa May, en tant que Ministre de l’intérieur, a accusé la Russie des meurtres commandités au niveau étatique. Il gardera également à l’esprit que sans l’affaire de Hinckley Point, le gaz russe pourrait jouer un rôle important dans la stratégie énergétique de Theresa May.
Amis pour la vie
Si ledit peut paraître excessivement négatif, il faut savoir que les Russes sont très fidèles à leurs amis. Ils sont comme la crème brûlée : le dessus est dur, mais une fois que vous l’avez franchi, vous êtes amis pour la vie.
La perception des Russes de la chute de l’Union Soviétique ne se base pas tant sur la perte d’une identité nationale, mais plutôt sur la perte des pays-amis. Les Russes sont accueillants jusqu’au paroxysme, les invités sont traités comme des tsars. Ne comptez pas faire un régime si vous avez des amis russes. Et ils respectent ceux qui apprécient leur hospitalité. Theresa May aurait sensiblement facilité la relation avec Vladimir Poutine par le biais d’une sincérité et des relations interpersonnelles chaleureuses.
Personnages publics et privés
Et pour finir, les Russes sont extrêmement pragmatiques. Poutine évitera de parler de la Crimée lors d’une rencontre en privé, car la Grande Bretagne n’est plus suffisamment importante pour qu’il se sente obligé de le faire. Néanmoins, il comprend que Theresa May se doit de faire certaines déclarations. Cependant, afin de devenir amis, ces déclarations ne doivent pas être trop acerbes, même si les Russes savent faire la différence entre la position politique officielle et les relations personnelles.
Alors, somme toute, comment Theresa May peut-elle améliorer la relation avec Poutine ?
Premièrement, elle doit comprendre la différence entre les personnalités publique et privée de Poutine. Il est possible de lui parler directement, mais en le respectant et évitant de lui donner des conseils. Deuxièmement, elle doit comprendre que la Russie et la Grande Bretagne ne sont pas égaux. Elle doit faire des pas en direction de la Russie afin de gagner leur confiance. Troisièmement, Mme May doit garder à l’esprit que la Russie recherche des partenaires et est toujours prête à récompenser toute amitié par la fidélité.
On dit souvent que les premiers jours à l’école déterminent la direction empruntée pour le reste de la vie. Alors, nous ne pouvons que souhaiter bonne chance à Theresa May…