Occident vs Poutine ou USA vs Russie ? “Sanctions froides” économico-médiatiques

– 18 décembre 2014 –

occident-vs-poutine-russie-sanctionsLa journée fut riche en émotions et en actualité. Depuis longtemps nous n’avons pas vécu une telle condensation d’événements en 24 heures.

Sur le fond de la nouvelle “d’importance étatique”, naturellement reprise par tous les mass-médias – la sortie de Nabila de la maison d’arrêt de Versailles, ayant fortement réjoui la nation très préoccupée par les fluctuations du destin de la star — des événements sensiblement plus légers en consistance ont eu lieu de part et d’autre dans le monde. La dixième conférence de presse annuelle de Vladimir Poutine devant 1200 journalistes à Moscou, ainsi qu’une énième (parmi les innombrables) réunion de la bureaucratie européenne, où Mr Hollande a furtivement lancé aux journalistes la rumeur sur la « désescalade des sanctions anti-russes » — le tout sur le fond du énième paquet de sanctions fraîchement préparé par la Maison Blanche très à cheval sur la dictature poutiniene anti-ukrainiene et, bien sûr, anti-occidentale.

On aurait presque envie de supposer que le très bref séjour en prison de la brune pulpeuse, qui est en mal d’attirer l’audience escomptée sur les chaînes-tv en étalant sa vie publiquement, serait programmé par ses conseillers en communication qui ont copié (par manque d’idées) les stratagèmes de ses homologues hollywoodiennes  – Paris Hilton ou Naomi Campbell – toutes deux ayant effectué leurs “parcours de santé” derrière les barreaux pour augmenter leur popularité. Ou peut-être que cette libération, avant Noël, serait calculée par d’autres cabinets de communication, afin d’atténuer les événements d’importance politique et surtout économique — vitale pour l’Europe — ne désirant pas monopoliser l’attention du peuple. Mais ne voyons pas des complots partout. Cela devient de moins en moins à la mode, voire politiquement incorrect dans la démocratie moderne.

Selon Poutine

En début d’après-midi les premiers extraits du grand oral de Poutine ont commencé à apparaître en mode messages-défilants, mélangés aux rappels intempestifs que Nabila est désormais interdite de tout contact avec son ex-compagnon.

BFMTV :occident-vs-poutine-russie-sanctions

« Selon » …  Dans cette phrase on peut facilement ressentir la position de ce même Occident envers celle des Russes. Car malgré tous les efforts des médias occidentaux pour faire croire en dictature quasi soviétique dans le plus grand pays du monde, imposé par une seule personne – Vladimir Poutine, je vous prie de me croire que ce dernier exprime la volonté et l’opinion de la plus grande majorité des Russes.

Après son fameux discours au Club de ValdaÏ fin octobre 2014, largement repris par toutes les éditions du monde et commenté chacune à sa sauce, Poutine n’a répété rien de foncièrement nouveau, tout comme les journalistes de BBC and Co lui avaient posé les mêmes questions que d’habitude, ouvertement formulées dans le style « quand est-ce que, cher Mr Poutine, allez-vous reconnaître la suprématie occidentale et enfin arrêter de vous obstiner ? ». Fort est de constater le sang froid avec lequel le chef du Kremlin continue à répondre à ses allégations avec un langage très diplomatique.

occident-vs-poutine-russie-sanctionsIl suffit d’ouvrir les yeux sur un fait simple et à la fois criant, mais soigneusement esquivé et détourné par l’Occident afin de couvrir de boue l’image du ‘’régime de Poutine’’ grâce à qui la Russie prend de l’ampleur sur la scène internationale depuis l’an 2000 – fortement déplaisant à ceux qui ont colonisé le globe terrestre pendant les 4 siècles précédents et aujourd’hui se voient perdre de leur puissance et vedette. Les blogues américains, non-instrumentalisés par Murdoch et autres lobbies du même acabit (directement depuis leurs sièges avec la vue sur la Maison Blanche), se foutent ouvertement de la propagande du Washington (voir l’image). Comme quoi le peuple étasunien est beaucoup moins saut que l’on puisse croire et sait garder les yeux ouverts, en analysant l’endoctrinement politiquement correct servi 24/24 par les premières chaînes de news occidentales.

Il serait, d’ailleurs, opportun de se poser la question : qu’entendons-nous par ce terme — l’Occident ?  L’Europe et les USA ?  Car inutile de mentionner le Canada et l’Australie dans le groupement occidental – les dépendances-annexes du Washington. Ou plutôt les USA ayant (déjà) ”vassalisé” le reste de ce même Occident ?

Ainsi, toutes les chaînes ont relayé les dires de Poutine en diffraction programmée, faisant allusion au fait que le dictateur moyenâgeux du Kremlin continue à s’obstiner contre le ‘’monde entier’’, sans pour autant préciser que ce dernier n’est composé que d’à peine une dizaine de pays sur plus ou moins 200 existants — tel un “G10 Pro-Washington et Anti-Moscou”.

Analyses et quelques moments forts de la discussion
BFM – Fédorovski

Heureusement, BFMTV a remonté le niveau en fin de journée en invitant Vladimir Fédorovski – l’écrivain d’origine russe le plus publié en France, souvent consulté par la presse française pour ses connaissances concernant la politique et l’histoire russe. Cet ancien diplomate et connaisseur de l’histoire a redit en direct une vérité connue de tous : « le peuple russe n’est pas l’ennemie de l’Europe », en ponctuant le fait que les présidents (Obama, Hollande, Poutine, …) avec leurs idées « ça va et ça vient »…

Les sanctions sont une arme contreproductive 
Au début de l’interview, en réaction aux dires de Fédorovski que la popularité de Poutine cette année est extrêmement haute, la présentatrice sursaute  « mais comment on peut le savoir – il n’y a pas de sondages en Russie ..! ». Fédorovski l’a très diplomatiquement rassuré que les instituts de sondage bel et bien existent en Russie. En effet, Mme Lévy, la Russie n’est pas une république bananière, contrairement à ce que vous êtes habituée de penser. Et si quelqu’un décide de mettre en doute la véracité des sondages russes – il devrait déjà commencer par faire le ménage chez lui…

On ne verra pas cet épisode en replay – la gaffe totalement irréfléchie du direct fut coupée au montage. En revanche, une conclusion s’invite dans l’esprit : voici comment est perçue (diabolisée) la Russie au-delà de ces frontières grâce au matraquage médiatique occidental – les méconnaissances d’ordre général extrapolés par des fourvoiements ridicules offrent du terrain propice pour la manipulation de l’opinion publique dans les règles de l’art démocratique.

Dans la lutte de long terme contre l’islam le peuple russe sera l’allier de l’Occident
Nathalie Lévy : « Mais il y a les Mistrals aussi. On a du mal à y voir clair dans la stratégie occidentale vis-à-vis de Moscou … ». La réponse de Vladimir Fédorovski, commençant par « Est-ce que vous êtes certaines qu’il y en a une stratégie ? », fait clairement comprendre que, sur le fond international actuel (suite à « la crise de nerfs des américains autour de ça » – dixit Fédorovski), l’establishment russe est aujourd’hui contre ladite livraison, mentionnant le fait que les russes sont aujourd’hui parfaitement aptes à produire ses propres Mistrals. Quelles conséquences économiques et politiques cela engendre pour la France – la presse française l’explique suffisamment bien. La finesse et délicatesse de cette histoire consiste au fait que si l’Elysée dansait moins sur la musique des compositeurs d’outre Atlantique, ces conséquences resteraient dématérialisées sur le papier des journaux.

Obama a mis la menace russe au même niveau qu’Ebola – les Russes ne l’ont jamais oublié …
Fédorovski : « Obama a fait des gaffes terribles en disant vouloir isoler le peuple russe, le comparant à Ebola ; Hillary Clinton a comparé Poutine à Hitler – c’est vraiment n’importe quoi ! ». Lévy : « C’est vraiment n’importe quoi ? » – la prise de défense de Poutine ébahi les journalistes français n’ayant pas l’habitude. Visiblement les mots de Hillary sont moins choquants et naturels aux oreilles européennes.

Fédorovski raconte même avoir entendu un ancien diplomate américain réagir aux dires d’Obama en le traitant de néophyte.

On peut dire ce qu’on veut sur Poutine. Pour résumer, il est un très bon stratège en politique internationale, sachant très bien défendre les intérêts de son pays sans flancher, contrairement aux certains dirigeants européens, mais il est peut-être moins bon au niveau national. Bien que ça puisse être discutable. Il verrouille certaines libertés en Russie, non pas parce qu’il est formaté par le KGB, mais parce qu’il agit dans le cadre de l’histoire et de la mentalité de son peuple – Fédorovski reconnaît aussi le système autoritaire, mais pas dictatorial. On peut être d’accord ou pas. En revanche, il y a aujourd’hui de plus en plus de parole libre en Russie, la couverture des faits est beaucoup moins instrumentalisée qu’en Occident, se considérant le plus démocratique de l’univers.
Il existe énormément de détracteurs du dernier fait, mais c’est connu — chacun ne voit et n’entend que ce qu’il veut voir et entendre. Ainsi est fait le monde.

Désescalade

Rapidement la discussion débouche sur la troisième grande actualité du jour :occident-vs-poutine-russie-sanctions

Ici, il serait particulièrement captivant d’analyser les faits mathématiques, étroitement liés à la politique française, mentionnés dans l’article du Monde la veille de l’annonce du président – extraits :

Société GénéraleDanoneRenaultLuxeTotal
Les 400 entreprises françaises et leurs filiales implantées sur le marché russe s’inquiètent, malgré ce que rétorque la présidente du conseil de supervision au sein de la Banque centrale européenne (BCE), Danièle Nouy dans la lumière de la crise monétaire secouant la Russie : « Nous pensons que les expositions des banques européennes sur les entreprises russes par exemple (…) sont d’une dimension telle qu’il n’y a pas de raison de craindre un désordre ou des difficultés ».
Une déclaration importante alors que les banques françaises se révèlent les plus engagées au monde sur la Russie, selon le dernier rapport de la banque des règlements internationaux (BRI). Avec 49 milliards de dollars de créances sur la Russie, elles devancent même les banques américaines (32 milliards de dollars). La Société Générale étant la plus engagée : 4,8 milliards d’euros.
Danone est tout particulièrement concernée. Depuis 2010 la Russie est devenue le premier marché du groupe d’agroalimentaire. 
Renault plus vulnérable que PSA Peugeot Citroën. Renault est le poids lourd français en Russie – son troisième marché national après la France et le Brésil.
Avec Avtovaz, qu’il a acquis avec Nissan, Renault est devenu le premier groupe sur place, le rendant à la fois fort sur le marché, et vulnérable à la santé économique du pays. 
Les acheteurs russes vont modérer leurs dépenses. L’effondrement brutal du rouble devrait sérieusement contribuer à dégrader les prévisions de replie dans le luxe.
C’est le cas du fabricant de lingerie Maison Lejaby, qui annoncé la suppression de 30 % de ses effectifs, ce qui est lié directement à ses ventes en Russie et en Ukraine. 
Total, un pétrolier très impliqué en Russie. Total, présent en Russie depuis 1991, joue gros, car il y a réalisé 9 % de sa production d’hydrocarbures en 2013 et ce pays devrait devenir sa première source de production en 2020. Le marché russe est censé compenser la baisse de production dans des régions comme la mer du Nord. Total n’a cessé de s’y développer. D’abord dans le pétrole, avec le gisement de Khariaga, dans le Grand Nord. Puis dans le gaz, avec sa participation de 17 % dans la société privée Novatek, deuxième groupe gazier russe. Leur coentreprise développe un énorme projet de gaz naturel liquéfié (GNL) dans la péninsule de Iamal.
Tandis que la tactique des USA, pour garder la France et l’Europe sous contrôle, c’est de les inonder avec le gaz américain, pour les faire définitivement se détourner du gaz russe.
Total développe aussi le projet Iamal LNG (extraction et liquéfaction de gaz) au côté du russe Novatek (60 %) et du chinois CNPC (20 %). Un projet à 27 milliards de dollars qui commence à souffrir des mesures sanctionnant l’interventionnisme de la Russie en Ukraine.
Petite touche à la fin pour ne pas oublier que Le Monde est contrôlé par l’idéologie politiquement correct. 

Hydrocarbures, Dollar, Rouble, Euro – What Else ?

Toutefois, il est très intéressant de passer la parallèle entre ces données économiques du Monde et notre article-analyse d’il y a un mois et demi dans la même rubrique « Médias ReViews » sur le décès du président de Total en octobre dernier. Des faits troublant pourraient se montrer flagrants, comme, la dépréciation accélérée du rouble (contre le dollar et l’euro) après que l’avion de total soit tombé à l’aéroport moscovite.

occident-vs-poutine-russie-sanctions

A lire l’éclairage détaillé “Pourquoi de Margerie est mort en Russie ?” après s’être prononcé sur le remplacement du dollar par l’euro dans les transactions pétrolières, à l’unisson avec Moscou qui est en train de remplacer le billet vert par les roubles, yuans et d’autres devises nationales dans le circuit du commerce extérieur russe. Néanmoins, comme évoqué précédemment, ne voyons pas les théories complotistes tout azimut.

A chaque fois que Wall Street lance une nouvelle crise mondiale, cela mène au renforcement du dollar
Inutile d’expliquer pourquoi la dévaluation d’une devise est l’instrument parfait pour détruire un pays. En regardant le graphique, même sans connaissances techniques on peut remarquer le comportement anormal de la courbe. En effet, la dépréciation artificielle du rouble de 50% en 3.5 mois et en particulier de 20% durant lundi et mardi noirs, ainsi surnommés par les journalistes russes le 15 et le 16 décembre 2014, n’est aucunement le résultat des baisses des prix du pétrole en ces mêmes quelques mois, incontestablement provoqué et orchestré par Washington grâce à son nouvel eldorado du gaz de schiste, mais surtout et sans aucun doute des attaques spéculatives extérieures au marché financier russe dans un seul et unique but de déstabiliser la popularité de plus de 70% du pouvoir en place, en vue de son remplacement – l’intérêt absolu de la politique générale américaine.

Seulement, si les auteurs de cette stratégie pensent vraiment pouvoir refaire la même chose à Moscou qu’ils ont plus ou moins réussi à Kïev, tout en accusant maintenant dans les médias occidentaux “l’interventionnisme russe en Ukraine” – c’est mal connaître les Russes et la Russie, et être vraiment loin du compte.

Depuis le début de cette même semaine le monde (pour rappel : le G10) attendais la signature par Obama d’une nouvelle loi permettant à Washington d’émettre de nouvelles sanctions contre la Crimée, donc de facto contre Moscou. Chose faite, ce même jeudi 18 décembre, l’Union européenne a également adopté de nouvelles sanctions contre la Crimée, malgré la déclaration bruxelloise de Hollande commençant probablement à prendre conscience que l’amitié franco-russe pourrait être plus importante, sous toutes les coutures, que la collaboration avec Washington agressif et avec une pathologie diagnostiquée – la suprématie – pour l’heure incurable.

– Fin de la communication –

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