La Bulgarie et sa culture perçues par les français – 1/3

 

❝ Toute culture puise ses sources dans l’histoire de son peuple. La Bulgarie a une histoire riche et complexe. Ceci doit indubitablement élucider les écarts importants avec la culture occidentale dans la manière des Bulgares de concevoir, notamment, le monde du travail. ❞

Dans la thématique des «Discussions Interculturelles», ancien directeur de projets – Yann Séjourné, et Laurent Tabouelle – directeur général adjoint de la société CodiX (éditeur de solution logiciel unique dédiée à la gestion événementielle des dossiers de plusieurs métiers) partagent leur expérience professionnelle de 15 ans en Bulgarie et avec les Bulgares.

 

 

Culture bulgare

Communément, en France on englobe les pays de l’Europe centrale et de l’Europe orientale dans un terme générique – Europe de l’Est. Comment positionnez-vous la Bulgarie ?

Il faut dire que lorsqu’on parle des pays d’Europe de l’Est, on y inclut généralement les ex-pays de l’empire soviétique (par exemple, la Grèce ne fait pas partie d’Europe de l’Est dans le conscient collectif, bien qu’elle soit frontalière dans le sud de la Bulgarie).

L’URSS avait attribué à chaque pays des fonctions particulières : la Bulgarie se concentrait sur l’informatique, d’où une grande fierté des Bulgares d’avoir été une partie « intelligente » de l’empire.

 

bulgarie-et-sa-culture-percues-par-les-francaisDes similitudes / différences entre la Bulgarie et ses voisins de l’Europe centrale ?

Il y a des similitudes dans le caractère des gens — la fierté et la volonté de prouver leurs indépendance, force et qualités. Par exemple, en Pologne, un pays dont l’ouverture à l’économie de marché a démarré plus tôt et avancé plus vite que la Bulgarie et fonctionnant différemment, les mentalités sont très différentes. Varsovie est, entre autre, beaucoup plus propre et moderne que Sofia. Donc, oui, chaque pays évolue à sa manière en conservant certaines similitudes propres à leurs racines.

Votre impression globale du pays et du peuple ? En tant qu’occidentaux de culture latine, qu’est-ce qui vous a choqué au premier contact avec les Bulgares et avec le pays lui-même ?

bulgarie-et-sa-culture-percues-par-les-francaisParmi les premiers chocs pour les français en Bulgarie est une certaine rudesse de la culture et la communication exiguë généralement accompagnée d’un manque de civilités. Les gens sont plutôt réservés et très fiers envers les étrangers.

Dans la vie urbaine le manque d’entretien et le nettoyage des espaces verts et des parties communes saute aux yeux. L’entretien de ces derniers est peu ou mal financé par les villes, y compris Sofia, ce qui altère l’attrait de beaucoup de parcs de centre-ville, ayant pourtant un potentiel énorme. Beaucoup de conflits sur la route se résolvent physiquement entre les conducteurs. En gros la priorité sur la route est au plus fort.

Les règles d’urbanisme semblent inexistantes ou non-appliquées, les nouvelles constructions prolifèrent à Sofia sans une réelle homogénéité, cependant la qualité globale de l’infrastructure s’améliore progressivement et notamment ces 2-3 dernières années avec le périphérique et le métro souterrain.

Un relatif immobilisme devant tout ce qu’il reste à construire ou reconstruire dans ce pays. Même si les choses changent au premier abord, les gens donnent une impression générale de tristesse et résignation, comme si le joug de l’URSS était encore en place. Malgré le fait que les manifestations ne sont pas réprimées, elles sont extrêmement rares. Il y a peu de demandes sociales, comparé aux pays occidentaux et en particulier à la France.

Nous n’avons pas constaté un fort essor économique ces dernières années. Des sociétés (comme IBM, HP et d’autres) sont venues implanter leurs filiales, mais la forte augmentation des salaires de la dernière dizaine d’années a réduit la croissance. Cependant, le niveau très bas des charges sociales continuent à rendre le coût global du travail avantageux par rapport à beaucoup de pays Européens et au-delà, surtout en prenant en compte le bon niveau d’éducation/expertise des diplômés en mathématiques et informatique. Ceci fait que les sociétés étrangères restent contrairement à ce qui s’est passé dans des pays voisins.

En plus des points positifs susmentionnés — l’incroyable générosité des gens et la richesse historique du pays. Beaucoup de civilisations ont laissé leurs traces en Bulgarie architecturalement et culturellement parlant. On y trouve des vestiges de différentes époques et de toutes sortes de colonisation, ce qui en fait un héritage assez riche.

Un autre point substantiel et agréable — la qualité des ingrédients de base alimentaires. Contrairement à chez nous, notamment en France, où on ne peut presque plus trouver des fruits et légumes avec goût, en Bulgarie il n’y a pas beaucoup d’agriculture moderne, d’exploitations de grande taille. Il suffit de prendre l’avion pour s’en rendre compte. Le résultat est que les produits que l’on achète au marché et dans les supermarchés sont de bien meilleur goût qu’en Europe occidentale, certainement parce que les engrais (s’ils sont utilisés) doivent être plus naturels et les petites exploitations agricoles à l’ancienne ne travaillent pas leurs produits de manière industrielle.

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Près de Burgas, Bulgarie

Comment les Bulgares perçoivent les autres ?

Pour tirer le trait, quelque part les occidentaux à la tête de sociétés avec un centre opérationnels en Bulgarie tendent à être perçus en Bulgarie comme des esclavagistes, même si le terme est un peu fort et caricatural. Dans les entreprises occidentales implantées là-bas la direction et les managers sont essentiellement occidentaux — au moins dans un premier temps — le temps de mettre en place une couche de management local suffisamment formatée aux pratiques managériales occidentales et à la culture propre à chaque entreprise.

En dehors de cela, pour le moins chez CodiX, les Bulgares considèrent que le travail fait par leurs collègues vietnamiens et tunisiens (nous avons des bureaux également dans ces pays) n’est jamais à la hauteur. Ils ont tendance à se considérer comme les plus compétents et les plus travailleurs. Curieusement on ressent un certain scepticisme envers les étrangers, en partie motivé par une inquiétude sur le déplacement des emplois vers ces pays, ce qui bien sûr est tout à fait inapplicable, au moins dans le cas de Codix.

Comment est l’administration bulgare en termes de lourdeur, de rapidité des démarches et de la corruption ? 

Contrairement à la France, qui est très forte en lourdeur administrative mais plutôt efficace, en Bulgarie elle est lente, très (trop) procédurale et souvent archaïque — beaucoup de papier, beaucoup de documents encore faits à la main, peu de démarches sont possibles à distance.

La corruption n’est pas ou n’est plus systématique, mais reste présente dans certaines branches. Ce n’est cependant pas un frein au développement des sociétés, y compris occidentales.

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