Être expatrié, les charmes et les réalités
L’expatriation – qu’est-ce ?
C’est la chance et la joie de vivre ailleurs, de découvrir beaucoup de nouveautés et de choses vraiment différentes. C’est une excitation inouïe de partir, de créer de nouvelles connexions, de se construire et devenir complètement différent dans ses façons de faire, dans ses regards, ses attitudes.
C’est aussi la détresse, les pleurs, le craquage psychologique pendant l’adaptation qui intervient quelques temps après l’euphorie de l’arrivée et de la découverte. Les premières années c’est le manque de tout ce qui est natal : de la nourriture, des mœurs, de la mentalité et de ses habitudes ; le manque de la famille et des amis. C’est les appels et les emails aux proches, une sorte de cordon ombilical intangible nous reliant toujours à ceux qu’on a laissé en partant.
Certains se demandent à quoi ça sert, pourquoi partir pour souffrir, quel intérêt ?
D’autres — la minorité sur le fond des gens « normaux » — n’imaginent pas leur vie autrement qu’en changeant de pays (continents) tous les 3-10 ans. Non pas parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils veulent. Bien au contraire ! Il est possible qu’ils le sachent même mieux que la majorité qui reste toute sa vie dans la même ville ou dans le même village.
L’expatrié est envié ou n’est pas compris par les gens « normaux ». Un expatrié sort forcément du lot.
Dans la peau de l’expatrié
En dehors d’un certain état d’esprit (pouvoir partir et donc quitter ses proches, savoir supporter le changement), c’est aussi une grande capacité que chaque expatrié possède à un certain degré et développe constamment. Celui de s’adapter à une autre culture, à un autre mode de vie.
Avant de partir et de vivre en plein dedans, nul ne s’imagine à 100% ce qui l’attend réellement et comment il va réagir et s’en sortir. Nul ne sait, surtout lors de la première expatriation, si et comment va-t-il s’adapter. Certains s’expatrient professionnellement, d’autres personnellement. Certains partent faire leurs études sans vraiment savoir ce qu’ils vont faire après et où, d’autres suivent leurs conjoint(e)s. Les enfants aussi suivent leurs parents, changeant d’écoles comme de gants, apprenant plusieurs langues.
Pour les uns c’est facile et intéressant. Pour d’autres ça l’est moins. Voire, beaucoup moins. Mais globalement on peut constater que la capacité d’adaptation est, bien entendu, purement mentale. Tout dépendra entièrement de l’approche mentale et psychologique de la personne.
Il y a des expatriés gravitant dans les communautés de leur origine, quel que soit le pays où vont-ils aller. C’est le cas de 90% d’Américains (bien que cela concerne toutes les origines sans exception) qui au bout de 20 ans à temps plein dans un pays sont incapables d’aligner 2 mots dans la langue locale. On peut qualifier ceci de light-expatriation – les avantages des bons côtés de la vie sur place et la conservation d’habitudes natales dans le milieu des siens. Une sorte de Club Med sur le terrain « hostile ».
Langue
La toute première barrière (quel que soit le type d’expatriation – professionnelle, personnelle, études ou autre) c’est la langue.
A l’arrivée, lors des premiers mois, on éprouve une sorte de réflexe de Pavlov – comme un chien, on ne comprend que quelques mots séparés, tout en étant incapable de se faire comprendre : accent énorme, manque de vocabulaire considérable, incapacité de construire des phrases compréhensibles par les locuteurs natifs.
Projetez-vous juste un instant. Cela fait des années que vous savez marcher et parler, c’est devenu parfaitement normal pour votre cerveau. Et après un coup d’avion vous ne pouvez plus rien dire, ni comprendre. Ca peut être marrant la première semaine. Ensuite ça devient particulièrement inconfortable, handicapant et très énervant.
Et c’est d’autant plus énervant lorsque la population locale, trouvant « trop drôle » des expressions maladroites de l’apprenti expatrié qui se sent mal-à-l’aise, commence ouvertement à se moquer de vous devant tout le monde…
Une observation intéressante à ne pas prendre à la légère : lorsque l’expatrié ne maîtrise pas encore la langue pour se défendre, il ne peut, bien sûr, rien répondre à une telle conduite de la part de ceux qui sont incapables de parler et écrire sans fautes leur propre langue natale. En revanche, les années passées, seules les « petites coquilles » restent dans la phraséologie de l’expatrié. Mais il y a toujours autant d’imbéciles se permettant de se moquer de la moindre petite erreur de la personne parlant leur langue aussi bien qu’eux, même avec un peu d’accent. Et c’est maintenant que l’expatrié peut remettre les plaisantins à leur place tout aussi publiquement qu’ils l’ont fait pendant des années. Le retour à l’envoyeur est en général très mal perçu et le froissement du taquineur ne connais pas de limites. Surtout face à la jubilation de l’étranger qui maintenant ne l’est plus vraiment…
L’immersion totale est efficace pour apprendre une langue, mais pas pour devenir bilingue en 4 mois !
Adaptabilité
S’adapter ne signifie pas paraître en public comme un aborigène. S’adapter, c’est finir par voir un aborigène dans le miroir tous les jours.
Bien entendu, tout expatrié conserve son identité propre à ses origines. Certaines habitudes vont demeurer quasi intactes, mais elles vont s’assouplir et devenir adaptées aux réalités du monde extérieur. S’adapter pour un expatrié, c’est s’adapter aux schémas culturels, à la mentalité et à l’actualité du pays. S’adapter c’est aussi parler couramment la langue, voire devenir vraiment bilingue. Et
devenir bilingue, même si on garde son accent – c’est pouvoir faire des jeux de mots, comprendre absolument tout et ne pas faire de fautes dans chaque phrase.
Il est impossible de s’adapter au pays sans être bilingue – voilà pourquoi la langue est la condition sine qua non. La culture de chaque pays est un sujet toujours très complexe. Pour s’en imprégner il faut s’intéresser à l’histoire, à la politique, à la société et ses mœurs, à l’éducation et au monde professionnel.
Si l’expatrié veut vraiment se sentir intégré, il doit faire partie de tout ce socio-éco-système, dans le cas contraire il restera toujours un étranger.
Ce qui est primordial de comprendre dans ce cas de figure est que, souvent, ces pseudo patriotes critiquent leur patrie plus que quiconque. Ce sont en général les “grandes gueules” ne cherchant qu’à attirer toute attention à leur personne — démunie de tout intérêt et, par-dessus tout, dépourvue du moindre brin d’intellect. Or, lorsque vous apportez votre point de vue réaliste sur le pays dans lequel vous êtes expatrié, soyez toujours prêts à entendre cette réplique venant de la personne, dont vous vous en attendez le moins. Partant de la règle d’or, qu’il est vain de polémiquer avec des cons, il faut apprendre à faire abstraction de leurs déblatérations. C’est l’expérience qui parle.
Se faire accepter par les locaux est un long chemin, demandant énormément d’efforts, de souplesse, d’apprentissage et d’intelligence sociale. Mais après tout, la vie EST le chemin d’efforts perpétuels, d’apprentissage permanent dans la nécessité de s’adapter aux autres. Peut-être qu’être expatrié est, au final, le chemin le plus enrichissant ?