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Revenu Universel Inconditionnel, un nouveau contrat social pour sauver l’humanité?

Cet article est une ébauche d’un sujet complexe, mais à la fois de plus en plus évident. Il est considéré comme une utopie (voire idiotie) par les uns, et comme une réalité inéluctable par de plus en plus d’intellectuels, économistes et même politiciens.
Le Revenu Universel Inconditionnel est une “solution par le bas” connexe à la “solution par le haut” — le Plafond Universel des Fortunes. Ces deux mesures indépendantes, mais sacrément complémentaires, sont liées comme cul et chemise. Or cette nouvelle réflexion sociétale et politique doit être abordée et menée en parallèle.


“Aarhus, deuxième ville située au Danemark, pays détenteur d’un revenu d’étudiants depuis 1988, a été choisi en 2024 ville la plus heureuse au monde!
Quand notre jeunesse va, tout va!”

Les tentatives françaises

Le sujet du Revenu Universel Inconditionnel (RUI) suscite la controverse et demeure clivant. Mais les avancées politiques et sociales importantes sous la 5ème république n’ont-elles pas nécessité du temps et n’ont-elles pas été, souvent, incomprises et accompagnées de débats houleux à l’Assemblée nationale et dans nos rues?

La laïcité en 1904, la loi Veil en 1975 sur l’interruption volontaire de grossesse, l’abolition de la peine de mort en 1981 (loi Badinter), la loi Aubry sur la diminution du temps de travail en 1998, la loi Taubira sur le mariage pour tous en 2013, ce sont des sujets débattus par le passé qui ont transformé notre société non sans larme de joie ni sans résistance.

Il en sera de même demain, pour d’autres thèmes comme le référendum d’initiative citoyen, la biodiversité, l’immigration économique et climatique, la fin de vie, l’IA et bien sûr la question du RUI.

Les expériences déjà réalisées sur un revenu supplémentaire dans de nombreux pays, les propositions de certains hommes politiques avant chaque élection, les encouragements d’économistes, de philosophes, ainsi que notre histoire, l’ensemble souligne l’importance croissante de débattre du revenu universel.

En 2017, Benoît Hamon a proposé un revenu universel de 300 à 600 euros pour 19 millions de personnes gagnant moins que le SMIC. Christine Boutin avait proposé en 2006 un dividende universel de 330 euros pour “survivre” du berceau au cercueil. Dominique de Villepin, en 2007, a proposé un revenu citoyen garanti de 850 euros dès 18 ans. Yves Cochet a défendu le revenu d’existence, et Arnaud Montebourg, dans les années 2010, a également soutenu ce type de revenu.

Plus récemment, en octobre 2020, un débat à l’Assemblée nationale sur un socle citoyen proposé par Emmanuel Macron a eu lieu, mais en octobre 2023, le président a refusé un revenu pour les étudiants, malgré la reconnaissance de leur précarité, en affirmant que la France était le pays qui aidait le plus les étudiants en Europe.

revenu-universel-inconditionnel • "A Look at the Magical World" by Rodney Smith
“A Look at the Magical World” by Rodney Smith

L’état des lieux dans le monde

Pendant ce temps, le Danemark a mis en place un RU pour les étudiants depuis 1988. En Allemagne, fin 2021, 122 participants sélectionnés parmi quelque 2 millions de candidatures, ont reçu 1200 euros par mois, sans condition de ressources.

En Finlande en 2017, le gouvernement a versé à 2000 chômeurs âgés de 25 à 58 ans, la somme de 560€ par mois — sans conditions. Il se substituait à cette allocation de base de sorte que, dans un premier temps, le revenu des chômeurs du groupe expérimental était inchangé. Par contre, le revenu universel pouvait se cumuler avec les revenus du travail. Or, cette expérience finlandaise a démontré que le RU a eu un effet positif sur le bien-être des participants et sur l’emploi.

Depuis le 20ème siècle, en Suisse, au Japon, en Finlande, en Grèce, en Belgique, aux Indes, en Italie, en Espagne, aux États Unis, soit de toutes parts, des essais “cliniques” sont expérimentés et des débats sur le RU voient le jour.

Plus récemment, au Royaume Unis, un revenu universel sera bientôt expérimenté en Angleterre, à hauteur de 1850 euros par mois pendant 2 ans, sans obligation d’emploi (122 participants).

Le pays de Galles quant à lui, verse déjà depuis 2022 un revenu mensuel de 1800 euros, sans conditions, à 500 jeunes qui quittent l’aide sociale à l’enfance. L’essai doit durer encore 2 ans.

Les résultats de toutes ces études suggèrent que le revenu universel ne décourage pas les gens à travailler, mais améliore le bien-être de chaque bénéficiaire et semble impliquer davantage les citoyens dans la vie de la société.

Origines

Le concept de revenu de base ou revenu universel a des racines historiques profondes. Parmi les précurseurs, on peut citer :

Thomas More (1478-1535), l’ancêtre de tout ce désordre, auteur d’Utopia (1516) nous invite par le dessin de la cité idéale, à veiller au bien commun, à réfléchir différemment sur ce que pourrait être une vie meilleure. Son contemporain, Jean Louis Vivès inspira les Poor Law par sa réflexion. Il n’est d’ailleurs pas le seul : l’américain Thomas Paine (1737-1809) fut l’instigateur du salaire minimum de vie (SMIV), à l’époque de la révolution américaine. L’anglais Thomas Spence (1750-1814), mêla les réflexions de Paine à celles du socialiste utopique Charles Fourier (1772-1837). Paine évoqua l’idée d’une dotation inconditionnelle pour toute personne (homme ou femme) accédant à l’âge adulte et d’une pension de retraite inconditionnelle à partir de 50 ans. Il s’inspirait alors des expériences amérindiennes en matière de partage et d’attribution des terres.

Thomas Piketty, économiste français milite pour un revenu de base, avec un resserrement des salaires entre les classes et une contribution des plus riches, mais aussi des classes moyennes aisées. Sans oublier l’américain Milton Friedman, prix Nobel d’économie en 1976, précurseur et inventeur de l’impôt négatif, aide sociale versée par l’état de façon dégressive aux personnes dont le revenu personnel est inférieur à un certain seuil.

ll existe de nombreuses propositions d’allocation universelle, chacune défendue par différents économistes et philosophes. Depuis le début du 20ème siècle, on assiste à diverses tentatives utopiques d’un revenu universel inconditionnel (RUI), rebaptisées et modifiées sous différentes formes comme le revenu de citoyenneté, la dotation d’autonomie, le dividende universel ou le revenu d’existence.

Pour harmoniser ces propositions, le Basic Income Earth Network (BIEN) ou Réseau mondial pour le revenu de base, a été créé en 1986 dans le but d’étudier et d’uniformiser les différentes approches. Il existe également en France, le MFRB, (mouvement français pour un revenu de base) né en 2013.

Le RUI est défini comme une somme d’argent versée inconditionnellement par une communauté politique à tous ses membres – du berceau au cercueil – sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie. Il incarne ainsi les principes de liberté, d’égalité et de fraternité.

Face à la réalité

Deux scénarios, pour les 30 prochaines années, pourraient expliquer la nécessité d’échanger sur la mise en place d’un RUI en France. Même s’Il est clair que l’avenir n’est jamais une reconduction du passé on apprend quand même beaucoup du passé pour se projeter dans l’avenir. Pour cela, essayons déjà de voir la réalité de vie en 2024.

Depuis le 11ème siècle (depuis le Moyen Âge), la valeur prédominante qui s’impose progressivement est l’utopie de la liberté individuelle. Cette liberté des biens est régie par deux entités complémentaires : le marché et la démocratie. Ce modèle de liberté individuelle, initié par le monde occidental, est devenu une aspiration commune après la chute du mur de Berlin en 1989, entraînant une volonté des peuples de l’Est, d’Asie, d’Amérique du Sud et même d’Afrique à l’adopter. C’est elle qui organise notre quotidien et nos aspirations économiques, culturelles et sociétales.

Point 1

Deux contradictions assombrissent cette réalité d’utopie individuelle et surtout depuis le début du 21ème siècle. La première, est que le marché n’a pas de limite et pas de frontière et que tout peut se vendre. En effet, le marché n’est pascloisonné, il est mondial par nature, alors que les démocraties nécessitent un environnement local, voire national, et suppose des frontières pour administrer et accompagner correctement cette utopie de liberté individuelle. Thomas More déjà, au 16ème siècle parlait d’une cité idéale à 100.000 sujets.

Dans notre société moderne, caractérisée par cette utopie croissante de la liberté individuelle et une accélération constante du rythme de vie, un phénomène préoccupant se dessine : la remise en question systématique des engagements durables. L’apologie de la liberté individuelle semble aujourd’hui se traduire par une injonction au changement permanent. Cette tendance soulève une question cruciale: cette quête effrénée de liberté, ne serait-elle pas devenue, paradoxalement, un plaidoyer pour la déloyauté?

Dans le monde du travail, par exemple, le contrat à durée indéterminée (CDI) est de plus en plus remis en question. Employeurs comme employés revendiquent le droit de rompre leurs engagements à tout moment. Dans la sphère personnelle, les relations amoureuses et familiales deviennent plus volatiles, avec une tendance accrue à la rupture dès que les difficultés surviennent. La consommation est marquée par l’obsolescence programmée et le renouvellement constant des produits, encourageant la consommation.

Depuis le 11 siècle, l’organisation humaine s’efforce, tant bien que mal, d’organiser cette utopie de liberté, progressivement, par le marché et la démocratie, accentuée aujourd’hui, par un contexte de rareté et surtout celle du temps. D’ailleurs les nouvelles technologies mettent à notre disposition des outils sensées nous faire gagner du temps, nous entrainant vers une course effrénée au risque de nous faire perdre l’essentiel.

Point 2

Ce qui m’amène à mon deuxième point, qui pourrait justifier les difficultés dans les prochaines 30 années. L’évolution géopolitique des organisations depuis le début du 20ème siècle.

Avant 1914, certains s’intéressaient déjà à une organisation plus humaniste en remplacement des alliances, entre certains pays, mais rien n’a été fait et ces alliances “fragiles” nous ont amené à la première guerre mondiale. Et c’est après, en 1919, que le traité de Versailles promeut la coopération internationale pour obtenir la paix et la sécurité. La SDN (Société Des Nations) est née en 1920, regroupant d’abord 4, puis 5 pays — avec rajout de l’Allemagne en 1926 qui se retirera en 1935 pour préparer la guerre.

Après l’échec de nombreuses tentatives visant à créer une organisation mondiale cette fois, capable de répondre aux menaces militaires et d’organiser le développement économique, la Seconde Guerre mondiale éclate, marquant un nouveau chaos global.

Et c’est après ce deuxième chaos qu’en 1946 nait l’Organisation des Nations Unies, elle aussi pour éviter de nouvelles dérives. En parallèle, certains travaillent déjà dès 1947 à la création d’une nouvelle Europe humaniste et économique. Et ainsi en 1957, naît la CEE, avec sa liberté de circulation, des capitaux, des services, des marchandises et des personnes. L’Union Européenne quant à elle, voit le jour, en 1993 (12 pays). La volonté de toutes ces organisations, était bien d’anticiper, développer, protéger les mutations de demain, qu’elles soient humaines, économiques ou sociales, et nous protéger des guerres.

Après chaque période de bouleversement majeur, une nouvelle structure organisationnelle voit le jour. Elles arrivent toujours après, mais ne parviennent jamais à prévenir ou à remplacer le chaos.

En 2024, on retrouve les mêmes symptômes qui ont précédé par le passé les différents chaos cités. Endettement, crise identitaire, crise financière, montée des idéologies nationaliste, inflation, conflits, guerres, injustice sociale, pauvreté et une envie pour certains de revenir en arrière — fermeture des frontières, plus d’autorité, de règles, etc.

Et on entend déjà aujourd’hui, de nouvelles idées émerger sur une nouvelle organisation mondiale plus équitable, répondant aux inégalités : un État de droit planétaire qui, par des lois internationales, harmoniserait la fiscalité. Une taxe sur la bourse lutterait contre la pauvreté, le commerce illicite, la drogue et la marchandisation de l’être humain.

Or dans ce contexte et après avoir expliqué succinctement la situation humaine en 2024, quels pourraient être les deux scénarios possibles pouvant expliquer l’implication d’un RUI dans les prochaines années?

Scénario romantique

Le premier, c’est de se dire que tout ira mieux dans 30 ans. En 2050, ça sera le plein emploi grâce à l’arrivée d’une nouvelle révolution industrielle créatrice d’emplois. (Les 30 glorieuses en France, révolution industrielle américaines, fin du XXème.)  Les nouvelles technologies seront essentiellement tournées vers le bien-être des sociétés. Chacun y trouvera sa place. La pauvreté sera presque éradiquée, la justice sociale, l’éducation et la république dans son ensemble seront au meilleur de leur forme, les inégalités disparaitront, les patrons distribueront unanimement le vrai fruit du travail à leurs équipes, toutes heureuses d’ailleurs de se rendre quotidiennement à leur emploi, sans la boule au ventre, les banques supprimeront leurs frais, plus aucun papier ou mégot de cigarettes sur la voie publique.

Poutine et Zemlinsky seront certainement à la retraite, après avoir repeint leurs chars des couleurs de l’arc en ciel, les gens manifesteront dans la joie à la gloire de l’état et de ses dirigeants, la laïcité sera défendue et appliquée par tous, tout le monde aura lu Le Petit Prince, les ténèbres et les forces du mal auront toutes succombées et disparaitront au profit d’un bien vivre ensemble généralisé et nous réaliserons tous une vie qui nous ressemble, dans laquelle nous nous sentons bien…

Scénario pragmatique

Pour le deuxième scénario, je me dis, que si le comportement humain ne change pas, les entreprises et le marché financier vont progressivement affirmer leur position de leaders mondiaux face aux démocraties à genoux, impuissantes et vont dicter les règles de demain. Les droits des travailleurs et les protections sociales seraient progressivement érodés au nom de la “compétitivité entre les pays” de la “flexibilité” et du “profit”. Cette utopie de la liberté sera à son paroxysme.

Dans 30 ans, ce sera un peu le prolongement de ce que nous vivons aujourd’hui, mais en pire, nécessitant une lente évolution des ténèbres vers la Lumière

Dans les Échos de mai, Patrick Artus (Natixis) écrit: “d’ici 2050, il y aura un effondrement du poids de l’Europe dans l’économie mondiale”. Même si le monde occidental est à bout de souffle, son modèle continuera à se développer ailleurs dans le monde. L’empire Romain, sur le déclin vers 478, a continué à se développer par ses coutumes et innovations, telles que l’organisation de la cité, la culture, le christianisme. Tous en sont imprégnés encore à ce jour. Il en sera de même après le déclin du monde occidental ou les autres continents poursuivront leur évolution vers cette utopie de liberté individuelle.

Revenu universel inconditionnel

Le RUI est présenté comme une chance de casser cette spirale de déclin. Un électrochoc nécessaire pour renforcer les valeurs humanistes et la liberté individuelle, tout en évitant l’asservissement par les entreprises.

Le RUI doit être perçu comme une nouvelle organisation humaine tournée vers les peuples, permettant une transition pacifique vers une période moins individualiste. Une dernière occasion pour le monde occidental d’éviter le chaos futur, en adoptant un nouveau chemin pour préparer le monde de demain.

L’agriculture pourrait être un champ d’expérimentation utile en France pour un Revenu Agricole, préfigurant un Revenu Universel étendu à l’ensemble de la population. Comme certains pays l’ont déjà adopté pour les étudiants.

Nos parents nous ont encouragés en disant : “Tu verras, plus tard, ça ira mieux.” Aujourd’hui, pouvons-nous encore transmettre le même espoir à nos enfants? Bien qu’ils semblent épanouis dans leur liberté individuelle, ils finiront par se questionner au seuil de la trentaine.

Plusieurs exemples personnels vécus dernièrement illustrent la nécessité d’un revenu universel inconditionnel (RUI):

  1. Un ami me demandant de l’aide, pour une mère salariée, avec un enfant, connaissant une fin de bail, obligée de trouver un nouveau logement, ses revenus ne correspondant pas à l’attente des futurs bailleurs interrogés.
  2. Un ami, vétérinaire, percevant depuis deux mois sa retraite, exerçant toujours par passion, lui permettant ainsi de se consacrer différemment et avec plus de plaisir à son métier.
  3. Une femme avec 3 enfants en garde alternée, contrainte par la pression de déménager vers une nouvelle région ou de démissionner.
  4. Un employé démissionnant pour se reconvertir dans un métier qui le passionne, demandant un licenciement pour toucher les allocations chômage, afin de financer cette formation et nourrir sa famille.

Dans chacun de ses exemples, le RUI permettrait d’apporter plus de flexibilité et de sérénité aux individus face à ces situations de vie.

Certes, la mise en place d’un tel système soulève de nombreuses questions. Comment le financer? Quel montant? Quelles conséquences sur notre modèle social? Mais n’est-ce pas justement le rôle d’une société démocratique que de débattre et d’innover face aux défis de son temps?

L’histoire nous enseigne que les grandes réformes sociales ont toujours été accueillies avec scepticisme avant de devenir des acquis indiscutables. Le RUI pourrait bien être la prochaine étape de notre progrès social. Il est temps d’ouvrir sérieusement ce débat, pour construire ensemble le nouveau contrat social dont notre époque a besoin.

Je suis persuadé que notre rôle est de promouvoir l’idée d’un revenu universel pour sensibiliser et forcer les autorités à aborder cette question. Le financement est possible avec une volonté politique. Cela a été le cas en 1945, pour la création de la sécurité sociale. Ce débat sur l’évolution de nos sociétés est crucial pour définir des orientations efficaces et adaptées.

L’humain doit redevenir la priorité plutôt que l’argent. Il est urgent de revenir à un humanisme au lieu de la financiarisation actuelle de la société. Développons ensemble une vie altruiste et solidaire plutôt qu’individualiste et solitaire. Soyons des fourmis et non des rats, comme le décrit si bien Bernard Werber dans ses ouvrages sur les Fourmis.

Et que feriez-vous si vous receviez un revenu de base? Reprendriez-vous des études? Lanceriez-vous votre entreprise? Ou simplement, prendriez-vous le temps de Vivre?

Le débat sur le RUI est lancé. À nous de nous en emparer et de façonner la société de demain.

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