Confiscation des téléphones à l’école?

Ramasser les téléphones portables de ses élèves au début de chaque cours n’est PAS un geste autoritaire.
Aujourd’hui, c’est une nécessité pédagogique.

Avant chaque cours, je demande à mes étudiants de déposer leurs téléphones sur mon bureau. Pas pour punir, mais pour leur apprendre 2 choses. La première, est le cours lui-même. Et la deuxième est que la vie sans téléphones (avec toutes les perturbations qu’on leur connaît) est non seulement possible, mais nécessaire. Surtout à l’école.

Je fais ça pour retrouver un espace d’attention réelle, de participation et – soyons dingues – de respect mutuel. Certains de mes collègues me disent: “Non! Tu fais ça? C’est pas vrai!”. Bah si… en voici la preuve.

“Et alors? Ils réagissent comment?”. Eh bah ils réagissent très bien, je vous prie de me croire. Pour certains ça devient même presqu’un jeu: à la fin des pauses intermédiaires pendant la journée ils déposent eux-mêmes leurs téléphones en rentrant dans la classe. Et certains font de l’humour: faisant semblant de déposer leur téléphone sur le bureau, ils le cachent (à dessein maladroitement) dans la poche – ils adorent se faire remonter les bretelles pour leur triche. Toute la classe rit, l’escroc le premier…

Mieux. Beaucoup d’entre eux m’ont confié (assez ouvertement) que cette petite règle change tout. Ils écoutent mieux, participent davantage, et ressortent avec la sensation d’avoir vraiment appris quelque chose. Et en plus, ils découvrent que leurs camarades de classe pensent différemment d’eux sur pratiquement tous les sujets que j’aborde avec eux.

Bien sûr, je leur laisse leurs ordinateurs et tablettes – beaucoup prennent des notes aujourd’hui de cette façon, le papier étant devenu obsolète. Même si certains continuent à penser que je ne vois pas qui prend les notes et qui chatte sur WhatsApp ou surf tout simplement sur internet. En général ça se voit très facilement, ne serait-ce que de par la posture du prévenu.

Ils ont aussi tendance à répondre à la moindre question et de faire leurs devoirs avec l’IA. Pour ça, aussi, j’ai des stratagèmes efficaces et dissuasifs. Le travail sans IA est sensiblement plus efficace, ce qu’ils reconnaissent, aussi, volontiers après coup. Le tout, c’est de leur expliquer en amont, comme aux chatons aveugles.

Bref. Il est essentiel de revenir à l’essentiel – l’humain, l’échange, la pensée.Ca pourrait presque sonner creux, voire politiquement correct. Mais ceux qui enseignent, me comprendront. Car on en est là: les étudiants envoient leurs mails pendant le cours, cherchent des stages, sortent pour passer des coups de fils quand ils veulent (parce que c’est plus important que le cours), comparent la cosmétique et passent leurs commandes sur Amazon. Et cette liste de leurs activités parascolaires est, naturellement, de loin non exhaustive.

Corolaire: in fine, de nos jours, la meilleure invention pédagogique semble de plus en plus être la coupure de Wi-Fi. En toute simplicité.

Car la dépravation comportementale et intellectuelle de cette nouvelle génération – bizarrement admise dans les écoles aujourd’hui, sous prétexte des fameuses libertés individuelles – ne peut revenir à la normale que lorsqu’on y met des barrières…

Or ma résistance pédagogique (et quelque part citoyenne) n’est là que pour restaurer délibérément un espace de concentration et de respect mutuel. Ça ne limite pas du tout une liberté quelconque (le temps d’un cours), mais en offre une plus précieuse: celle de comprendre et apprendre — pour transformer ces consommateurs passifs en citoyens souverains avec un cerveau en état de marche. Puisqu’il s’agit là de la qualité de notre société aujourd’hui et demain.

Vous trouvez ça pompeux? En guise d’exemple, je ne partage que quelques extraits des retours écrits par des étudiants, uniquement ce dernier mois.

Vous avez su capter l’attention de toute une classe de 9h à 18h, et c’est loin d’être facile (très bonne idée d’ailleurs de récupérer les téléphones en début de cours !).

Le cours était très bien. Pour une fois, j’ai envie de dire qu’il m’a vraiment amené à réfléchir, même après la séance.

La manière d’enseigner était très intéressante. Le fait de ne pas avoir le téléphone sur sois permet de s’intéresser plus facilement et d’interagir.

I want to thank you for giving us the opportunity to reflect on several interesting and meaningful topics this week. I can confidently say that my thoughts were challenged during this course, and the conversations we had encouraged me to reconsider certain perspectives and reshape my way of thinking.

I now find myself looking at things from a broader and more analytical perspective, and I appreciate the way your teaching challenged me to think critically and deeply.

On ressent bien votre motivation à nous faire comprendre les choses et à nous développer mentalement. Ça change des cours où la majorité de la classe est absente / en retard et n’écoute pas les professeurs (moi y compris, car tenir plusieurs heures notre attention avec un discours monotone, c’est une tâche ardue malgré toute la volonté du monde!). Continuez à partager le savoir et à tenter de faire changer les choses!