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Développement durable de la société du “Prêt à Jeter”

 

LE LIVRE

Le contenu de cet article a été partiellement utilisé dans le livre
La psychologie des nouveaux riches
Comment inverser le principal trou noir de notre société

 

Aujourd’hui, tout se jette sans aucune réflexion, la denrée et son emballage. Personne ne se pose de questions avant de jeter les restes de nourriture. Et je n’aborde même pas l’économie monétaire, que l’on peut dégager en achetant moins et donc en jetant moins. On a l’habitude, fortement ancrée, de retrouver le lendemain n’importe quel magasin rempli de marchandises de toutes les couleurs, tailles et provenances, prêtes à être consommées et ne demandant qu’à être achetées. Aucune difficulté pour l’avoir, pas d’attente, pas d’efforts. On a qu’à se servir et taper les quatre chiffres de la carte en partant avec la nouvelle nourriture ou nouveaux objets joliment emballés.

Lors de mon expérience dans la restauration parisienne et tropézienne, en dehors de toutes les anormalités de gestion des hommes et de la denrée, j’y voyais tous les jours des tonnes de nourriture jetées, parce qu’elle n’avait pas été consommée ou était périmée. Réglementation oblige. Des tonnes de nourriture se jettent chaque jour à travers le monde par les restaurants, les hôtels, les magasins et les ménages. Bref, par tout le monde. Tandis qu’il y a à peine 30-40 ans, par exemple, la viande n’était même pas au menu de tous les jours, aujourd’hui on en jette les restes.

Pourquoi les restaurateurs, générant des dizaines de kilos de déchets journaliers, ne jettent pas le verre séparément ? Pourquoi le carton et le plastique sont mélangés avec les restes de la nourriture ? Probablement pour les mêmes raisons qui font que les gobelets de Starbucks, dont 4 milliards sont vendus annuellement, ne sont pas recyclables ! Pourquoi il n’y a toujours pas de législation stricte en la matière ? En quoi consiste la difficulté de séparer ses déchets et de les jeter convenablement ? La fainéantise ? Ou l’indifférence générée par la rentabilité ?

 

 

La Société Prête à Jeter

pret-a-jeterEn France, j’ai vu les grandes entreprises et les marques diverses, organisant des petits déjeuners et des cocktails dînatoires pour appâter des prospects et/ou des partenaires, qui font livrer plus de nourriture qu’ils ne peuvent en consommer. Le résultat – des litres de jus fraîchement pressés, des plats entiers même pas déballés, des sacs entiers de pain frais partent à la poubelle à la fin de chaque prestation. Le tout dans l’indifférence totale du personnel, des prospects, des partenaires et des clients. On pourrait imaginer qu’une fois la leçon apprise, on pourrait rectifier le tir et prévoir moins de nourriture les prochaines fois, ne serait-ce que par économie monétaire, sans forcément mettre sur le tapis la consommation responsable. Et bien non, toutes les semaines les « grandes maisons » organisent des cocktails et dîners divers, où à chaque fois la fin de l’évènement est la même. Tout cela dans le seul et unique but : mettre pleins les yeux aux invités. Et la France, bien sûr, est loin d’être la seule à produire ce genre d’excès, voire beaucoup pire, au quotidien.

En arrivant dans les dîners des familles riches des quartiers ouest parisiens, on n’y cessera pas de vous répéter avoir acheté le meilleur foie gras de Paris, avec le meilleur pain, avec le meilleur vin, avec la meilleure viande et le meilleur dessert : « Vous n’avez jamais vu ça… ». Le tout s’achète, comme de coutume, en quantité astronomique. « Les invités ne doivent manquer de rien. »

A table vous allez entendre ces gens-là, qui se veulent « de la haute » et quelque fois des intellectuels, débattre sur la mauvaise politique de l’Europe et surtout du retard de la France au niveau du développement durable et de l’entreprenariat. Ils vont vous expliquer comment il faut faire pour sortir la France du trou économique, réduire sa dette et faire repartir l’entreprenariat tout en restant dans le cadre de l’Agenda 21. Et à la fin de la soirée, lorsque le meilleur vin a fait l’effet, la maîtresse de la maison ne voudra pas emballer les restes du festin acheté chez les meilleurs artisans parisiens, sans oublier que c’est les petites mains qui font le boulot dans la cuisine à sa place. Elle ordonne « ne vous embêtez pas, débarrassez m’en ! ». Le meilleur foie gras mélangé à la meilleure viande à peine déballés, se jettent ensemble à la benne commune avec les bouteilles vides, elles, et les emballages. Le tri? « Non, on n’en fait pas ici. » Pourtant ce n’est pas la sensibilisation au sujet qui manque de nos jours tout azimut.

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Un homme fait les poubelles a Hollywood le 4 mai 2009

Dans le XVIème arrondissement de Paris je participai au service d’un cocktail dinatoire donné par un chasseur pour une quarantaine de personnes. Le maître des lieux ne parlait que de la chasse à quiconque voulait l’entendre, pendant que les invités picoraient dans les plateaux copieusement garnis en délicatesses de tout genre, accompagnés de vin de bon goût. Sur les quarante invités il y avait au moins une quinzaine de minijupes, dont les sublimes porteuses n’excédaient pas les 25-30 ans. La musique forte, les discussions dans tous les coins de la réception de plus d’une centaine de mètres carrés, les serveurs se faufilant entre les poufs et les invités pour débarrasser et remettre du frais — une réception du Ouest Parisien bien comme on les aime. À la fin de ce cocktail dinatoire le propriétaire assez imbibé et avec le visage bien rouge pointa le nez dans la cuisine et, au vu des restes, après la réflexion d’à peine deux secondes commanda de tout balancer. Devant moi 3 cartons d’une vingtaine de poulets intacts sont partis à la poubelle, sachant que le quatrième carton fut dépiauté par le personnel pour ramener un ou deux poulets en cachette à la maison.

Les villas gigantesques de la Côte d’Azur sont les temples de la débauche. Dans ces palaces de plusieurs centaines, voire milliers de mètres carrés, sont reçus les amis des propriétaires. Pendant ces réceptions les moyens sont démesurés. Lorsque les hôtes sont de sortie dans des restaurants et des clubs monégasques ou tropéziens, le personnel prépare un repas royal au budget « no limit ». Au retour des festivités les hôtes, trois fois sur quatre, sont capables de refuser la nourriture déjà préparée et demander tout autre chose, ou ne rien manger tout simplement. Inutile de penser qu’ils vont le manger le lendemain. Ces gens-là ne mangent pas le réchauffé. Le lendemain ils voudront une autre extravagance et, bien sûr, fraîchement préparée. Or, les restes en quantité gargantuesques ne sont que partiellement récupérés par le personnel, lorsqu’ils le peuvent. Où finit le reste ? A la décharge.

***

Curieux phénomène anthropologique : la reproduction comportementale des couches sociales est étonnamment développée et ancrée en nous. Voici un archétype d’une famille de l’Ouest parisien, comme il y en a tant d’autres à quelques détails près. Le père, enseignant dans des écoles prestigieuses parisiennes. La mère, directrice marketing dans une société du CAC40. Le fils — après un stage à la BNP Paribas au Luxembourg — est trader à la City de Londres. La fille vit sur la Cinquième avenue, mariée à un magnat immobilier. Quelles valeurs ce père, professeur reconnu sur la place parisienne et invité régulier des plateaux télé et des conférences diverses, ainsi que cette mère ayant passé l’essentiel de sa carrière dans des budgets marketing effarants, transmirent à leurs chérubins qui grandirent dans un 250m² à Auteuil-Neuilly-Passy — avec 3 salles de bains, dont 2 avec jacuzzis — et jetèrent, depuis le début de leur existence, les restes de la nourriture par fainéantise de l’emballer et de la remettre au frigo ? Que transmettront ces mêmes enfants à leur progéniture plus tard, s’ils perpétuent les mêmes pratiques étant adultes et s’ils ont la même approche de vie ? Ils n’ont jamais sorti les poubelles de leur vie et n’ont jamais fait de ménage de leur vie, pour cela ils eurent une bonne malaisienne (ou philippine) qui s’occupait de la disgrâce. Ils ne se posèrent jamais de question comment payer le loyer ou les courses. Grand bien leur fasse ! Mais d’où auront-ils conscience d’un autre monde, si la upper-classe, dont ils font partie intégrante depuis la naissance, n’est concentrée que sur elle-même ?

L’intérêt commun ? Ils en ont vaguement entendu parler à l’école et la télé. Le fils, spéculant 50 heures par semaine sur les cours du blé en Amérique du Sud et dans les pays de l’Est pour rapporter un maximum à « Goldman-Lynch ». Cela lui permet, avec le bonus bien mérité, de louer un yacht avec sa toute nouvelle amoureuse à St Barth. Quant à la fille, elle, l’affaire des bonus n’est pas la sienne. En poursuivant la lignée de sa mère bien aimée, elle est préoccupée par la décoration de son penthouse de la Cinquième avenue et par sa manucure hebdomadaire chez le meilleur spécialiste de Manhattan. Ce soir elle prépare une réception avec les meilleurs traiteurs new-yorkais. Le cocktail doit être irréprochable et les invités ne doivent manquer de rien. Même s’ils ont assez mangé, il doit en avoir encore et partout.

Ce portrait alambiqué est exagérément caricatural. C’est un mélange d’une multitude de personnages que j’ai croisés au cours des 13 ans de ma vie parisienne. Ce qu’il a de caricatural est la densité des stéréotypes empaquetés dans un seul flacon, ce qui en fait une famille de Simpsons bourgeois, mais tout de même non irréelle. Cependant, ce qu’il a d’authentique est qu’aucune pièce rapportée n’y est une fiction.

Pourquoi ce matraquage caricatural des riches à outrance ? Certainement non pas pour faire démonstration de mes hypothétiques préférences gauchistes ou pour critiquer gratuitement. Mais pour brosser un portrait multiple de l’excès, représenté par la bourgeoisie et les riches.

***

Toujours en France, en parallèle de cette caricature à peine hyperbolique « de la haute », il faut dire que les antipodes des riches — c’est-à-dire le reste de la population (les pauvres et la classe moyenne) — malheureusement, n’en font pas mieux ! Bien qu’ils n’achètent pas de vin à 80 € la bouteille, ne spéculent pas sur les cours du baril et du blé, et ne voyagent pas en première classe non plus. Mais ils suivent la même tendance comportementale.

Bien qu’ils n’aient qu’une salle de bain (minuscule), ils y font couler l’eau largement au-dessus du nécessaire vital. Et ce sans le moindre remord. Bien qu’ils jettent moins de nourriture et descendent eux-mêmes leurs poubelles, ils font quand même partie de la société du « prêt à jeter », inconsciemment ou pas. Bien qu’ils n’aient pas les moyens, ils achètent et jettent sans les moindres états d’âmes. Bien qu’ils n’aient pas les moyens, ils s’endettent à vie pour des écrans plats, piscines à débordement, jouets innombrables pour les enfants, tous derniers iPhones et oreillettes assorties, motos de sport et voitures au-dessus de leurs moyens. Lorsque je vois les parents, cadres et managers dans des sociétés se proclamant éco-responsables, mettre leurs déchets ménagers et bouteilles vides dans les bacs à papier/plastique devant leurs enfants, je comprends que l’éco-attitude de ses entreprises doit être tout aussi efficace que le sauvetage à pleines mains du bateau avec une grosse fuite.

Et tout ce beau monde ne rêve que d’une chose : avoir la même vie que les riches, des grosses cylindrées, des bateaux, des soirées à foison, du luxe et de l’abondance.

 

 

La Société Écologiquement Moderne

  • Pourquoi le tri des poubelles, malgré toutes les incitations dans les médias et par les mairies (qui le font), ne percute pas les esprits des gens? Cliquez ici pour voir!
  • Pourquoi les gens, ayant le tri en bas de chez eux, continuent à jeter la totalité de leur déchets ensemble? Ou le pire – inverser – mettre les déchets ménagers dans le tri du plastic (le bac jaune) et les papiers et les plastiques à la benne (le bac vert)?
  • Pourquoi les restaurateurs, générant des dizaines (si ce n’est pas des centaines – pour les gros) de déchets journaliers, ne jettent pas le verre séparément? Pourquoi le carton et le plastique sont mélangés avec les restes de la nourriture?
  • En quoi consiste la difficulté de séparer ses déchets et de les jeter convenablement? La fainéantise? Ou l’indifférence?
  • Qu’est-ce qui se passe dans les esprits?

Lorsque je vois des mères et des pères de familles, cadres à responsabilités dans les sociétés se proclamant éco-responsables, mettre leurs déchets ménagers dans les bacs jaunes devant leurs enfants (et la pomme ne tombe jamais loin du pommier), je comprends que l’éco-attitude de ses entreprises, dirigées par ces mêmes cadres, doit être tout aussi efficace que le sauvetage à pleines mains du bateau avec une grosse fuite. En parlant des fuites …

  • Pourquoi remplir le verre d’eau, sous le robinet, pour boire une ou deux gorgées et reverser le reste dans le levier?
  • Pourquoi tout le monde s’en fout de sa surconsommation d’eau?
  • Pourquoi les vieilles habitudes de prendre un bain ou d’en donner à ses enfants continuent à persister dans une société qui est informée suffisamment par les médias de la pénurie d’eau déjà inévitable et, ce, sous peu? Déjà aujourd’hui, en France, les problèmes d’eau font surface dans les régions agricoles, où les préfectures sont obligées de faire le choix entre l’eau courante et l’arrosage des champs…
  • Pourquoi laissez-vous couler le robinet pendant que vous vous-rasez, vous vous-brossez les dents ou vous vous-savonnez sous la douche?
  • Pourquoi vous continuez à vous réchauffer sous la douche chaude pendant un quart d’heure, tandis que vous pouvez le faire en mettant deux-trois pulls et les grosses chaussettes?

***

Exemple anecdotique

A quoi bon produire des limousines surpuissantes, destinées à rouler essentiellement entre les hôtels, les restaurants et les boutiques pas plus vite qu’une calèche précédée d’un cheval ? Combien consomment ces grosses berlines et rejettent du CO2 pour amener une seule personnalité faire du shopping dans les boutiques à 5.000 € pour un sac à main ? On s’en fout ! La personnalité paye.

En sus, les voitures de luxe pour les, soi-disant, VIP doivent être constamment impeccables. Nul dans ce milieu ne s’est jamais posé la question de combien de litres d’eau sont utilisés dans un cycle de lavage pour chaque voiture, et ce au quotidien. Les bagnoles sont lavées tous les jours, même si elles sont propres, tout simplement pour qu’elles brillent lorsque la personnalité sort de l’hôtel. Le tout uniquement pour assouvir le « m’as-tu vu » : du client, du chauffeur et de la société mettant la voiture à disposition.

  • Tu ramènes la voiture au garage, tu la passes au rouleau !
  • Mais elle est propre, je n’ai roulé que 2 heures et il a fait super beau en plus.
  • On s’en fout ! Tu la laves, pour qu’elle soit propre demain matin…

Et demain matin un autre chauffeur la relavera avant de partir avec, parce qu’il ne fait pas confiance au lavage des autres. Les clients et les prestataires considèrent que du moment que c’est payé, c’est économiquement justifié, ce n’est donc pas de l’excès.

 

Consommation d'eau en FranceRépartitionL’empreinte sur l’eau
En 2009, la consommation moyenne annuelle par habitant en France est de 54,7 m3, soit 150 litres par jour. A cette consommation personnelle, s’ajoute l’ensemble des consommations collectives (écoles, hôpitaux, lavage de la voirie, milieu professionnel, restaurants…) — on obtient alors une moyenne de plus de 200 litres par jour et par personne.

49 litres pour les bains et les douches
25 litres pour les W.C
25 litres pour le linge
12 litres pour la vaisselle
9 litres pour la préparation de la nourriture
8 litres pour le ménage
8 litres pour l’arrosage des plantes
1 litre (seulement !) pour la boisson

L’empreinte sur l’eau d’un Etat est le volume d’eau nécessaire pour la production des biens et des services consommés par ses habitants :

2 483 m3/personne/an aux États-Unis (696 milliards de m3/an)
1 875 m3/personne/an en France (110 milliards de m3/an)
675 m3/personne/an en Ethiopie (43 milliards de m3/an)

© Source

  • Alors, pourquoi ne pas arrêter de gaspiller l’eau chez vous tous les jours?
  • Pourquoi ne pas éteindre son pc la nuit, que ça soit au bureau ou à la maison?
  • Pourquoi ne pas utiliser le verso de la feuille pour imprimer un brouillon ou pour écrire des gribouillis ou même des choses sensées?
  • Pourquoi jeter une feuille avec à peine quelques mots et chiffres écrits (ba ouais mais, moi, j’ai besoin d’une feuille propre pour écrire, tu comprends…)?

Tout se jette dans notre monde industriellement progressif. Et tout se jette / se gaspille en vrac (nourriture, électricité, eau, matière première).

 

 

Alors ?

Tout cela, en soit, n’est pas un “new point de view”. Ce que j’ai raconté ici est loin d’être nouveau pour tout le monde. Vous vous êtes dit “c’est vrai que c’est pas bien quand même tout ça, hein”. Ou vous vous êtes dit “encore un vert qui se prend pour un pseudo blogueur-journaliste-blablateur”. Ensuite vous allez passer 10 min sur VDM et 15 min sur facebook en likant les photos des copains-copines, en rigolant sur les postes comiques. Et la vie reprendra son cours, malheureusement, avec les mêmes habitudes qu’avant. Rien ne changera…

Et effectivement. Qu’est-ce que je peux faire d’autre? Donner une solution radicale au problème susmentionné? Si je l’avais – je serais le quadruple prix Nobel. Je peux tout de même dire qu’il existe une solution, connue de tous, pour arrêter et normaliser la situation. Elle consiste à enfin connecter vos cerveaux et prendre conscience de l’échelle des horreurs que tout le monde, sans exceptions (vous y compris), reproduit tous les jours, et changer d’attitude dans les têtes et dans les faits.

Et tant que la grosse populace ne l’a pas intégré dans son cerveau – aucun scientifique ni gouvernement ne pourront changer quoi que ce soit. Ainsi, la solution est dans vos têtes et nul part ailleurs! La tête — l’organe distinctif principal d’homo-sapiens devant être utilisé à sa juste valeur…

 

 

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