Médiocrité de la culture générale de la nouvelle génération
Ce n’est pas tant le développement de l’intelligence artificielle qui fait peur, que le déclin omniprésent de l’intelligence naturelle…
J’ai l’impression de constater de plus en plus chez mes étudiants un manque, pour ne pas dire l’absence, d’ambition du développement de leur culture générale. Mais surtout je remarque une incompréhension sincère de sa nécessité. En particulier dans le contexte d’avancement inarrêtable de la soi-disant intelligence artificielle. Beaucoup sont convaincus posséder un savoir adapté à nos jours: rechercher l’information. Autrement dit, plus besoin de savoir, il suffit de savoir chercher.
On m’a même dit que désormais le savoir pourrait être “externalisé”. C’est-à-dire qu’il peut se trouver sur les serveurs des moteurs de recherche. Et dans la tête maintenant, place aux émotions. Agrémentées du code d’accès à TikTok, je suppose. Car sans lui, la vie moderne n’est pas une vie.
Face à ça, je leur pose une question:
“Pourquoi vous faites des recherches d’infos, alors? Pour savoir ou pour un simple fait de chercher? Parce que si vous ne filtrez rien dans votre cerveau, alors inutile de chercher. Laissez tranquilles les serveurs et tout ce qui les meut.
Et au fait, pourquoi vous raquez presque 20.000€ pour un Master? Pour des connaissances ou pour un diplôme encadré dans vos WC?”
Les réponses sont confuses, non étayées par la logique et avec des regards perdus. Rien de cohérent ni de convaincant.

Et tout au long des 8 heures de cours, avec des “approches” différentes et sous des angles divers, je leur démontre de manière itérative et non-ambiguë que la vastitude d’horizon personnel permet de mieux comprendre le monde environnant de plus en plus complexe. Et je n’aurai pas peur de cette phrase abstruse (et à l’apparence politiquement correcte): la réflexion profonde permet de mieux se connaître et de comprendre la nécessité de s’améliorer constamment, surtout pour entretenir des relations harmonieuses avec les autres — l’intelligence sociale donc.
1. Vis 100 ans, apprends pendant 100 ans.
Proverbe russe
2. La seule chose qui est plus chère que l’éducation, c’est l’ignorance.
Benjamin Franklin
3. Le pauvre paie toujours deux fois.
Proverbe russe
Ce dernier proverbe russe semble particulièrement vrai pour cette nouvelle génération qui paie 20.000€ pour une année d’études, mais en même temps estime que la connaissance pourrait rester dans Google, et qu’il suffit de la retrouver là-bas.
À la fin de mon cours, beaucoup moins nombreux sont ceux qui persistent dans la promotion de leur “vérité de nouvelle génération”. Certains restent silencieux, apparemment aux prises avec une réticence à accepter “la raison impudente” du prof. Je les confronte littéralement à la platitude et à la transparence de leur culture générale lors de nos débats. En tout cas de la majorité. Et tout cela sur le fond de l’incapacité (majoritaire) d’argumenter son propre point de vue et, dans certains cas, même de l’incapacité de lier quelques mots ensemble.
- Ici, une précision de ma part ne serait pas des inutiles. J’enseigne dans une école qui fait partie des cinq (ou six) meilleures écoles de commerce de France. Les étudiants sont admis à ce Master grâce à une sélection qui comprend, entre autres, des entretiens individuels. Et après plusieurs années d’enseignement, je peux dire que le niveau de ces étudiants, dans leur ensemble, est sensiblement meilleur que mes expériences précédentes.
- Mais dans cet article, je partage mon observation moyenne sur de nombreuses années. Mon opinion de la nouvelle génération n’est pas sous-estimée. Elle est factuelle. En même temps, je suis parfaitement conscient que mon niveau d’exigence est élevé: j’enseigne en dernière année d’un établissement d’enseignement supérieur auprès de jeunes qui sont censés être diplômés en gestion de projets. Corollaire, même en tenant compte du fait que les enfants assis en face de moi ont en moyenne 23-25 ans et qu’ils ne peuvent pas avoir le même “bagage de connaissances” que moi à 45 ans, mon travail consiste à les tirer vers le haut, et non pas les caresser dans le sens du poil.
Quoi qu’il en soit, peu à peu, à la fin de mon cours, la nervosité face à l’ancienne génération (en ma personne) qui chercherait à les “offusquer”, se transforme en sourires benêts face à l’incapacité de répondre à de nombreuses questions et à l’ignorance du vocabulaire et des concepts de base de la société, dans laquelle ils naviguent depuis pratiquement un quart de siècle.
Pensez-y: le volume et le spectre de la culture générale d’un individu, ne sont-ils pas l’un des attributs nécessaires de l’intelligence sociale?
Bien sûr, au fond de moi, j’espère transmettre à la majorité de chaque groupe le besoin vital de la culture générale et de l’intelligence sociale. À une époque et dans une société où ce n’est pas tant le développement de l’intelligence artificielle qui fait peur que le déclin généralisé de celle naturelle.

Il ne s’agit d’ailleurs pas là d’une simple phrase “caustiquement sarcastique”, mais des statistiques de ces dernières années qui reflètent la perception générale, notamment en France. Je pense qu’en Russie la situation dans ce domaine n’est guère meilleure. Les sources et les avis sur le thème de l’inculture croissante et du manque d’esprit critique ne sont pas rares, tant en France qu’en Russie. Voici une citation d’un article scientifique russe de 2020:
Presque tous les experts ont souligné la dégradation, voire la destruction, du système éducatif en Russie. Les avis des experts et de la population dans son ensemble tendent vers un constat de la crise culturelle en Russie. Plus de la moitié des personnes interrogées sont plutôt d’accord sur le fait que la culture russe a décliné au cours des 25 dernières années et que toutes ses meilleures réalisations sont derrière.
En disant tout ça de nos jours, je sais très bien qu’au Moyen Âge… Quoi que même pas forcément au Moyen Âge. Même il y a 100-200 ans, le niveau de culture générale était bien inférieur à celui d’aujourd’hui. Ne serait-ce que parce qu’une proportion extrêmement plus faible de la société était alphabétisée et parce que l’instruction nationale n’existait pas. Et même si elle existait, elle reposait davantage sur le catéchisme que sur des données scientifiques et l’expérience professionnelle des enseignants.
Le niveau actuel de culture générale est donc incontestablement plus élevé. Mais le paradoxe est qu’il semble avoir commencé à décliner avec l’avènement des moteurs de recherche, puis des téléphones dans les poches de chacun. En d’autres termes, le niveau de culture générale pré-technologique — selon les statistiques et selon le ressenti de nos contemporains âgés — était sensiblement plus élevé. Et tout cela étant donné que, par exemple, en 1960, il y avait 3 milliards de personnes vivant sur Terre. Mais il y a exactement un an (15/11/2023), nous avons dépassé les 8 milliards.

Ainsi, la diminution du niveau de la culture générale dans le contexte de croissance continue de la population n’inspire pas confiance en l’avenir. Ou autrement dit:
La médiocrité ambiante et omniprésente n’ajoute pas de confort, ni tranquillité au quotidien…
Pourtant, ça me fait chaud au cœur qu’à la fin du cours, certains viennent me remercier pour l’inspiration, d’autres pour les avoir aidé à voir les choses sous un tout autre jour, et d’autres encore me demandent où ils pourraient lire davantage (oui, oui… “lire”) sur les sujets de mon cours. Or mon cours est tout un florilège de connaissances générales dans différents domaines. Alors je leur réponds: “lisez tout d’affilée et constamment”.
Et puis, certains même m’écrivent plus tard par email: “il faudrait plus de cours comme le vôtre”, “votre style d’enseignement est unique”. Bien sûr, dans ces moments, je ressens des ailes qui poussent dans mon dos. Et parfois, même ça m’arrive de décoller du sol.
Mais combien de temps la passion, avec laquelle ils viennent me remercier après le cours et m’écrire ces emails, restera-t-elle en eux? Nul ne le sait. Ce qui fait que mes envols restent toujours en basse altitude. Même si parfois il y a des surprises, comme cette thèse que j’ai été demandé d’accompagner.
Quoi qu’il en soit. Un jour, lorsque j’étais encore plus jeune que tous mes élèves réunis, j’ai entendu pour la première fois l’expression “l’espoir meurt en dernier”. Donc, apparemment, comme toujours, on ne peut qu’espérer que les grains que je disperse à droite et à gauche se maintiendront dans ces jeunes têtes et germeront. Et puis qui sait… Peut-être même qu’ils donneront des résultats dans leur intelligence sociale et dans leur culture générale qui, à proprement parler, sont garantes de la qualité de cette société.
Au cours des 20 dernières années, une dégradation ubiquitaire de la qualité de presque tous les instituts sociétaux est flagrante. Je veux dire que…
avec toute l’automatisation et toute l’amélioration du niveau de vie, le fonctionnement de tous les systèmes de la société s’est transformé en une sorte d’appareil cassé ou inachevé — fait par des amateurs —, à l’intérieur duquel tout le monde s’en bra… s’en fout de tout!
Alors, peut-être qu’un retour à une intelligence sociale plus avancée pourrait réparer cette machine infernale?
Ecouter aussi mon podcast sur le même sujet, qui va bien plus loin et fait le distinguo entre l’éducation nationale et l’instruction publique (ou l’enseignement national, si on préfère); et comment l’éducation nationale (qui est une invention purement idéologique et politique) a pu modifier l’approche de l’éducation parentale dans les esprits.
Abonnement à la chaîne et à la newsletter à votre disposition ▲▼
Bonsoir monsieur,
je viens de finir la lecture de votre article, j’ai trouvé pertinent votre point de réflexion sur la partie culture générale.
Or pour le point de payer pour son master je pense que c’est plus par rapport à l’obtention d’une reconnaissance de la part du système. Une personne de nos jours est plus reconnue par son diplôme que par son savoir faire pour avoir accès à un poste d’emploi.
Je ne généralise pas mais rarement les entreprises recrutent un jeune de 23-24 ans sans diplôme. Donc pour moi je trouve que c’est plus une adhésion au système.
Et je rejoins l’avis des étudiants sur votre cours, ‘its a must to have it at least one time in life‘. Meme si c’est qu’une journée mais ça change vraiment tout. Surtout que c’est un cours que j’ai eu en début du programme MSMPP.
Mes salutations
Merci Mahmoud pour votre avis. Et je suis particulièrement ravis que la première réaction à mon “cout de gueule” est écrite – de manière tout à fait instructive – par un de mes anciens étudiants. De la même manière que sur LinkedIn☚ j’ai déjà récolté plusieurs réactions positives d’anciens étudiants qui ont assisté à mon cours. Contrairement à la crainte de mon entourage proche qui craignait la publication de cet article, compte tenu de ma position.
Vous avez sans doute raison. Mais je voudrais rebondir sur l’histoire de la reconnaissance sociale, en l’occurrence en entreprises, grâce aux diplômes.
Ne trouvez vous pas que, à juste titre et comme vous le dites, le diplôme (en tout cas des écoles de commerce) soit considéré comme un passeport pour être “admis au travail”, et non pas comme un garant de connaissances (et par ricochet de culture générale) ?
Beaucoup d’étudiants me répondent: “c’est pour avoir un réseau d’alumni”. Je l’entends bien et je le comprends tout aussi bien. Mais ce qui est dérangeant dans cette approche, c’est précisément ce que j’ai exposé dans cet article. Le savoir et les connaissances sont relégués au second plan, voire certains n’y pensent même plus. Ils courent uniquement après le statut.
Vous dites assez juste que c’est “l’adhésion au système”. Donc c’est contre ce système que je m’exprime. Et j’espère que votre génération – qui n’est pas DU TOUT loin de la mienne – se réveillera et réfléchira autrement que via le biais imposé par le système.
Or pour se réveiller et réfléchir il faut toujours les mêmes culture générale et esprit critique dont je martèle l’impératif dans cet article et dans mon cours.
A bientôt
Effectivement , donc si vraiment nous souhaitons que les jeunes d’aujourd’hui donnent plus d’importance à la culture générale et le savoir et de les faire passer avant le diplôme, faudra peut-être repenser le système éducatif, marché d’emplois etc ..
je pense qu’on est en train de vivre ce changement dans la mesure où plusieurs entreprises au US, donnent plus d’importance au savoir qu’au diplôme.
Après d’une autre perspective je pense que l’abondance de l’information et la facilité de l’avoir c’est ce qui nous rend moins intéressé par l’exercice de la recherche.
Oui, c’est d’une certaine manière le serpent qui se mort la queue. Plus c’est facile et moins tout le monde en profite.
Repenser le système éducatif… Bonjour chez vous… Quand vous voyez les derniers “grands chantiers” du ministère de l’éducation, vous comprenez que le savoir, c’est le dernier de leur problèmes… Malheureux !
Je n’ai pas compris votre idée “on est en train de vivre ce changement dans la mesure où plusieurs entreprises au US, donnent plus d’importance au savoir qu’au diplôme“. Où vous voulez en venir ?
Ce que je voulais dire, c’est que bientôt le diplôme ne sera plus le “passeport” pour l’emploi, mais le savoir qu’une personne possède. Dans ce cas, ne pensez-vous pas que les gens attacheront plus d’importance au développement de leur culture générale et de leurs connaissances ?
Je ne peux pas répondre de manière univoque.
Le diplôme reste un savoir spécialisé. Ce n’est pas de la culture générale. C’est la préparation pour une domaine particulier. Ce n’est pas ce qu’on appelle les connaissances de fond (pour appréhender le monde).
Et puis, selon moi, le diplôme de toute façon restera comme un graal pour accéder à qqc, en l’occurence au boulot. Tandis que la culture générale est une démarche purement individuelle et personnelle, qui ne dépend de rien ni de personne d’autre.
Donc je ne pense pas que, si ce changement arrivait des states ici, ça changerait beaucoup de choses au niveau du niveau général des masses
Je suis d’accord avec vous, mais je pense que dans ce cas, cela fera peut-être changer les mentalités, et nous serons plus conscients de l’importance de la culture générale.
Je ne suis pas d’avis que la jeunesse puisse être associée à une médiocrité de la culture générale. Depuis l’arrivée de l’ordinateur, du téléphone et de l’internet, notre jeunesse a profondément influencé notre façon de travailler.
Grâce à la mémoire de ces outils informatiques, nous avons pu libérer de l’espace dans notre cerveau. Dans le but d’exploiter d’autres fonctionnalités de notre cerveau, comme dans une entreprise où nous allons déléguer de manière hiérarchique. Il ne faut pas confondre délégué avec négligence. Il est clair qu’avec un accès quasi instantané aux informations grâce à Google, il n’est plus indispensable d’apprendre par cœur. Cependant, ce qui compte vraiment, c’est de prendre de la hauteur.
En cette ère où l’importance des informations internationales est primordiale, les effets tik-tok d’Instagram, Facebook, etc. incitent la jeunesse à réagir rapidement face aux individus qui agissent de manière immorale.
Les informations concernant certains agissements dans le passé n’étaient disponibles que tardivement, aujourd’hui la sanction est prononcée en 24 heures. Un exemple où le sénateur a drogué la députée.
Selon le hadith islamique, l’effet de masse est plus important que la règle.
En tant que membre de cette génération, je suis convaincu que l’utilisation de ces outils entraînera inévitablement des erreurs et des catastrophes. Cependant, c’est en réparant ces problèmes un à un que notre civilisation parviendra à la paix.
Il me semble que cette génération travaille principalement sur son premier cercle, c’est-à-dire ses émotions, plutôt que de s’investir sur des pans de la culture générale qui lui semble stérile face à leurs combats, face aux inégalités et aux injustices.
Ces émotions qui seront le moteur de l’engagement pour construire un monde commun, tout en préservant que chacun conserve sa singularité.
“Depuis l’arrivée de l’ordinateur, du téléphone et de l’internet, notre jeunesse a profondément influencé notre façon de travailler.”
Ne serait-ce plutôt l’arrivée de la technologie qui a profondément influencé notre façon de travailler ? Selon moi, la jeunesse n’a fait qu’à s’y adopter (ce qui n’est pas toujours le cas du reste de la population; ou, en tout cas, avec la même souplesse). Mais je ne vois pas en quoi la jeunesse a profondément influencé la façon de travailler…
Libérer de l’espace dans le cerveau est, peut-être, une bonne chose. Le problème est que cet espace est aussitôt rempli par des “news” quotidiennes (très souvent totalement stériles et inutiles) qui ne constituent en rien la culture générale d’un individu. Donc, selon moi, on y a perdu au change… Surtout que la table de multiplication doit toujours être apprise par cœur. C’est le béaba — car il est inconcevable de sortir une calculette pour multiplier 7 par 8.
D’un autre côté, plus personne n’apprend aujourd’hui par cœur les prières ou des passages entiers bibliques (ou coranique), comme ça se pratiquait alors. En tout cas, je ne qualifierais pas ce genre d’apprentissage de culture générale — à notre époque.
Concernant ta pensée que les informations internationales sont primordiales, je suis dubitatif. Tout dépend de quel genre d’informations on parle, et surtout de leur qualité et véracité. Le flux permanent des news sur des chaînes différentes 24/24, selon moi, n’est pas du tout primordial, parce que trop souvent instrumentalisé, biaisé, etc. Et malheureusement, seule une minorité fouille pour comprendre le fond des problèmes — en particulier internationaux. La majorité se contente des chaînes de news 24/24.
Et même si je suis d’accord avec ton idée du premier cercle, je ne pense pas que les émotions – sans compréhension, et donc sans culturel générale minimale – permettront de construire un monde commun en conservant les singularités.
C’est en ça qu’on est différent du monde animal. En plus de nos émotions, nous avons aussi la conscience, la réflexion et la capacité de se projeter dans des notions abstraites. Certes, ça ne facilite pas l’existence de la société humaine (avec sa diversité construite autour de l’individualisme). Mais sans exploitation de cette conscientisation des choses, l’Homme ne peut pas exister et surtout se développer. Donc, seules les émotions de la nouvelle génération (dont de facto, toi et moi on fait partie) ne feront pas des miracles en termes de construction d’un monde commun.
Peux tu développer ton idée derrière “l’effet de masse est plus important que la règle”, stp ?
Je suis tout à fait d’accord avec ton analyse et l’une de tes conclusions à propos de l’intelligence sociale. Néanmoins, j’ajouterai quelques idées:
*L’intelligence sociale peut et devrait se compléter avec l’intelligence émotionnelle.
*Le nivellement par le bas de l’enseignement, et ce depuis des lustres, conduit à un appauvrissement graduel des connaissances et des compétences. On est arrivé à créer une société ignare, sous le règne du NIET CULTURE. Et ce nivellement par le bas favorise la création de nouveaux groupes sociaux dont le centre névralgique est Internet.
Si tu poses aujourd’hui aux jeunes la question simple de définir leurs idéaux, on aura trop souvent pareille réponse en fonction du sexe de la personne interrogée :
-Pour les filles : devenir influenceuse
-Pour les garçons : devenir footballeur
*L’absentéisme aux élections est aussi une conséquence de la fragmentation de notre société post-moderne, sous une forme clanique qui nous ramène à l’aube de l’humanité. L’Afrique en général, en raison parfois de la composition des états résultant de la colonisation, créés à partir d’une règle et d’un crayon sans tenir compte des réalités sociétales et historiques, a favorisé la résurgence des tendances claniques sous une forme particulièrement violente. Depuis des milliers d’années, les guerres tribales se poursuivent, aggravées maintenant par la puissance de feu des armes à leur disposition.
*Dans nos sociétés occidentales-européennes, cette fragmentation clanique et tribale s’accélère, suite à l’incorporation de plusieurs millions d’individus aux origines culturelles, sociales et religieuses différentes. Et ces individus se réfugient dans leurs communautés, se sentant parfois aux antipodes de nos valeurs locales. Ce sentiment de non-appartenance grandit, poussant les citoyens loin des urnes qui, pour eux, ne les concernent pas. La coupure, la cassure est brutale et ne cesse de s’agrandir. La seule motivation qui les ferait voter, dans certains cas, sont les avantages promis, bien loin souvent de l’intérêt général. Et LFI fait merveille dans ce sens.
J’ai une petite nuance, ou un petit bémol à apporter à ce que nous appelons la culture générale.
À travers mon vécu et la grande quantité de personnes que je fréquente, j’ai l’impression que pour la plupart des gens (adultes et matures) la culture générale est une patine, comme sur un vieux meuble, qui est le témoin de la décentralisation de l’attention sur soi.
Une personne qui a réussi à se faire confiance et s’accepter, se situer dans la société, s’est légèrement détachée de son ego et ainsi en s’ouvrant au monde, l’on en acquiert de petites bribes à force de l’observer, l’analyser, le décoder et cette culture générale est le témoin d’une compréhension plus globale du monde et du reste de l’humanité, essentiellement accès donc sur la culture et les connaissances.
Pour d’autres en revanche ce n’est pas une humble patine dû à la pratique ou au temps et l’expérience, c’est vraiment un vernis (décoratif donc), mais un abus de vernis, le genre de vernis que l’on met en plusieurs couches très épaisses sur un ongle atteint de mycose que l’on refuse de soigner.
Ces personnes afin de briller en société font le choix, certainement inconscient ne soyons pas méchant, de s’approprier le plus de connaissances générales, souvent dans des domaines reculés ou farfelus, afin de pouvoir briller intensément lors d’une discussion en société.
Détenteurs avides de savoirs inutiles, ils se satisfont de pouvoir renchérir toujours plus à des conversations banales, ou non, en venant faire des parallèles improbables avec l’Islande du 15e, 16e, 17e siècle, la culture patchakamak, “l’harmonieuse ceinture de Jupiter qui fait plusieurs kilomètres et tourne autour de gaz…”, etc.
Les points communs que j’y ai trouvé à ce spécimen type (et je confesse en avoir fait parti ado) :
Pas de vie, en tout cas pas celle qu’il voudrait.
(Très) peu de confiance en soi.
Besoin de reconnaissance qui crève le plafond (manque d’attention parentale ?).
Souvent timide.
Réclame de l’attention/des gratifications pour un savoir étrange/inutile.
Ne se rend pas compte qu’il crée souvent une rupture discursive par son manque de cohérence.
(pensée en images qui se succèdent par association d’idée sans logique apparente : arbre, bonzaï, japon, katana, forge, fer météorique, espace, big-bang…)
Pour positiver je dirais donc que, la culture générale est le marqueur de celui qui sait qu’il appartient au monde, il en est une pièce de puzzle parmi tant d’autres.
Car je pense qu’il faut avoir un peu d’humilité pour se rendre compte que finalement l’on ne sait pas grand chose du monde et que l’on se donne comme défi d’apprendre un peu de tout pour se sentir un peu moins égoïste, autocentré, autoréférencé.
C’est pour ça, je pense, que les nouvelles générations n’en sont pas dotés, car elles sont persuadés d’être le centre du monde, d’être le nouveau monde, donc la culture générale est absolument inutile, c’est un objet qui n’a pas de sens pour eux.
(Enfant roi ? Fils unique ? Le récent “maman solo” ?)
-Ce qui est ironique dans cette société de surconsommation c’est bien qu’il n’y ait pas d’acheteur pour un produit.-
Mais c’est parce que la culture générale, en dose suffisante, est un objet d’intelligence sensible, d’intelligence sociale.
Pour ces homo-novus qui prétendent amener une société plus juste et plus inclusive (aka Social Justice Warrior), il me parait assez dissonant qu’ils se passent tous finalement d’un des plus gros marqueurs de l’intelligence sociale.
Autant globalement je suis d’accord avec ta réflexion, qui fait presque la taille de l’article lui-même :) Autant, j’ai envie de me demander: est-ce que ces avides détenteurs de savoir “inutiles” cherchent exprès des connaissances loufoques pour un jour les ressortir au moment (in)opportun ? Ou est-ce que, simplement, ça pourrait être des quidams qui, par la force des choses (lectures, infos entendues à la volée, programmes scolaires obligatoires, ou le hasard de pages web ouvertes fugacement) ont découvert des infos insolites que, forcément, tôt ou tard ils veulent ressortir — pour partager (ma foi, peut-être, maladroitement et de façon inadéquate) ?
Et aussi, perso, j’ai presque inévitablement une association avec l’atypisme, quand je lis ta phrase
Sachant, en plus, que ça nous parait illogique en écoutant l’autre. Mais il se trouve que c’est nous qui ne sommes pas capables de décoder la logique d’une autre personne. Par l’illogisme ? Par une platitude d’esprit ? Parce qu’on a un autre fonctionnement cérébral ? Une autre histoire personnelle ? Ou encore une autre base de connaissance personnelle…
On peut continuer cette liste longtemps.
Pour le reste de ta réflexion, je laisse les autres, qui passeront par là, réagir s’ils ont qqc à dire. Car, selon moi, le reste rejoint pas mal la réflexion de mon article, donc je ne vais pas rajouter des mots pour diluer ledit initial.
Merci pour ta réflexion. Intéressant à lire
Peut-être mais je n’avais pas d’image moi. :P
Je connais une petite dizaine de personnes comme ça, j’en fréquente deux régulièrement.
Je ne sais rien de leur motivations conscientes ou inconscientes, et je me garderai bien de penser à leur place, c’est tout juste si j’interprète le sens des actions lorsque ça m’intéresse un peu.
Je partageais le fait que ce soit, très souvent, impertinent oui.
C’est ça qui est gênant finalement, plus que le fait que ce soit un fragment de savoir qui en plus d’être anachronique, vient casser la cohérence de la discussion. (quoique parfois, rarement, ça se comprend de loin, très vaguement)
Et quand tu notifies l’incohérence à la personne, ou que tu questionnes sur le pourquoi du comment on passe du sujet de base à “ça”, souvent il y a un “bah j’sais pas j’ai pas réfléchi”, “euh parce que c’était marrant”, “ouais c’est comme ça je décroche des conversations et”, “c’est juste que je pensais à ça j’écoutais pas et j’avais envie/besoin de le dire”…
Bref, j’en ai probablement d’autres dans ma musette mais je ne vais pas y passer la soirée. Pas besoin d’être exhaustif non plus.
Donc, c’est impertinent par rapport aux gens qui discutent, c’est aussi (m’est avis) une forme de manque de respect/d’intérêt pour ceux qui sont là et ça apporte une information qui n’étant pas contextualisé fait soit, briller la personne parce qu’elle peut “enfin” poser son info soit, la fait passer pour une idiote par agacement des autres.
Hum… ravis d’apprendre que je suis atypique alors, mais au moins j’ai le bon sens de chercher à rester cohérent avec la discussion à laquelle je suis supposé participer, et lorsqu’il m’arrive de penser à autre chose généralement je préviens mes interlocuteurs que je fais un insert ou une légère digression et je l’explique. Et en général j’essaie de ne faire que des apports qui ont un minimum de sens, si c’est incohérent je me tais.
Comme tu aimes les questions, est-ce que c’est du savoir être ? Du savoir vivre ? De l’éducation ? Du respect ? De l’intelligence sociale ? ;)
Oui, à mon sens, c’est du savoir vivre et de la cohérence vis à vis des autres. De prévenir, de faire un aparté en expliquant pourquoi on ramène la chose sur le tapis qui est un peu hors contexte.
En tout cas, là je vois mieux ce que tu voulais dire