Jeux, Hi-Tech & Education — (in)compatibilité ?
Les choses ont beaucoup changé depuis les années 70-90 – période de l’enfance des générations X et Y. Difficile de déterminer de manière sûre si les choses ont vraiment évolué, signifiant un changement positif, ou simplement changé, englobant les changements négatifs parallèlement à l’évolution. Or, voici la question shakespearienne de notre époque :
Devons-nous laisser aux nouvelles générations le libre usage de cette merveille (héroïne) technologique que représentent les iPads, les PCs et leurs semblables ?
L’un de leur inventeurs et gourous – Steve Jobs – a dit en son temps au New York Times qu’il limitait ses enfants dans l’utilisation de technologies à la maison, en parlant justement des iPads. Paradoxalement le père du marketing de haute couture et de l’archétype du business innovant, faisant baver toute la planète devant ses produits ludiques, beaux et chers, en réduit (interdit ?) l’usage à ses chérubins ?
Et ce n’est pas fini…
Dans la Silicon Valley des executives et des ingénieurs d’Apple, eBay, Google, Hewlett-Packard et Yahoo se cachent de moins en moins en protégeant leurs enfants de la technologie. Ils envoient même leurs progénitures dans des écoles ‘’non-tech’’ comme l’école Waldorf à Los Altos, dépourvue du moindre ordinateur ou écran plat. Là-bas on apprend tout à l’ancienne. Pourquoi donc ?
Voici ce qu’a répondu à The Times le père d’une “infanterie” de 5 enfants Chris Anderson, CEO of 3D Robotics :
Mes enfants nous accusent, ma femme et moi, d’être trop préoccupés par la technologie, disant qu’aucun de leurs camarades n’a les mêmes règles à la maison… Ma femme et moi, nous avons constaté les dangers de la technologie sur nous-mêmes. Et je ne veux pas que cela se produise avec mes enfants…
Curieusement personne de ces grosses têtes de technologie contemporaine ne précise en quoi consistent les dangers, ainsi que leurs inquiétudes. Nonobstant, la force est de constater que le PDG de Coca-Cola, bizarrement, ne consomme pas le produit qui lui rapporte plusieurs millions par an. Tout comme le PDG de McDonalds préfère une nourriture saine et équilibrée en dépit du succès planétaire de son fast food adoré par les petits. Ou tout comme les industriels du tabac, eux aussi, menant une vie saine et, autant que possible, sportive.
Paradoxalement, ceux qui sont aux manettes des méga-ventes des produits non-dangereux (selon eux) n’en sont étonnamment pas consommateurs, mais bien au contraire.
Avis et questions
Dans les médias, les opinions et avis fleurissent et divergent dans tous les sens.
Si nos dépendances actuelles des téléphones et tablettes sont des signes précurseurs, ne serions-nous en train de créer une vie incomplète, handicapées et dépourvues d’imagination et de créativité pour nos enfants ? Peut-être que nous devrions leur laisser le libre accès à ces technologies en âge plus adulte ?
Nous étions la dernière génération à jouer dehors précisément parce que nous n’avons pas eu les smartphones et les ordinateurs portables. Nous absorbions l’information à travers les livres, notre apprentissage provenait du mouvement, de l’exercice, de l’interaction naturelle et la socialisation avec d’autres êtres humains, par opposition à une recherche sur Google.
Oui, mais nous avions les télés, les VHS et les Nintendo. Et nos parents, aussi bien que mal, nous apprenaient à en mesurer et équilibrer l’utilisation.
Grâce à l’interactivité de technologies modernes les enfants apprennent plus vite et plus facilement sans intervention extérieure, ce qui facilite en partie la vie aux parents et rend l’apprentissage aux enfants ludique et intéressant…
Les jeux
Devrait-on être inquiets que nos enfants ne sachant même pas lire jouent toute la journée au « Crush Candy » ou autres jeux débiles ? Ou devrait-on plutôt s’inquiéter en les privant des gadgets de leur génération et donc, peut-être, les isolant d’un développement (épanouissement ?) de leur époque ?
Si l’éducation de vos enfants se résume à laisser la tablette et/ou les jeux en libre-service, ainsi en vous accordant le calme et le silence à la maison, comme, peut-être, à votre époque on vous mettait devant ‘’un Disney’’ pour être tranquille – NE FAITES PAS D’ENFANTS – vous n’êtes pas faits pour !
Probablement ils vous haïront parce que vous les faites jouer à l’ancienne dehors – dans la nature, mais ils vous remercieront sans aucun doute plus tard, lorsqu’ils seront en âge pour peser les pour et les contre. Lorsqu’ils réaliseront que les livres lus dans leur enfance, les exercices faits et les connaissances récoltées sont sensiblement plus utiles dans la vie que la dernière tablette avec les jeux super réalistes dépourvus de toute réflexion et, par conséquent, abrutissant plus qu’ils ne développent les jeunes esprits.
Et on ne s’interroge que peu sur la rétine des yeux inadaptée pour absorber quotidiennement et pendant des heures une luminosité à haute fréquence, sans parler de tous types d’ondes transperçant aujourd’hui notre environnement – qui ne sont pas du genre à jouer un rôle positif dans « l’évolution » naturelle de l’humanité et de tout ce qui cohabite avec.
Les jeux d’intelligence
En effet, les jeux peuvent considérablement dynamiser l’enseignement. Et certains grands enseignants les utilisent dans leurs méthodes : la causalité, la possibilité de simuler plusieurs scénarios, la capacité de se fixer des objectifs et d’y avancer, l’appréhension de la collaboration et de la concurrence avec les autres, le savoir de gagner et de perdre, la vertu de créer quelque chose soi-même, la capacité à tirer profit de l’intelligence collective et l’expression de soi. L’engagement et le divertissement vont de pair. Les jeux intelligents peuvent permettre l’exploration de soi et offrir la liberté de prendre des risques, poser les bonnes questions et de s’entraider tout en apprenant.
Mais aucune de ces qualités ne sont propres aux jeux fleurissant sur internet. Tous ces jeux débilitants téléchargeables gratuitement ou, pire, onéreusement sur les tablettes et les téléphones, et accessibles à tout âge, ne possèdent pas vraiment de vertus dynamisant un apprentissage quelconque.
Les joujoux technologiques alors ou pas ?
L’idée de Waldorf à Los Altos est que la technologie interfère avec la créativité et l’esprit des jeunes qui apprennent mieux par le mouvement, en travaillant notamment avec les mains, et à travers l’interaction avec les autres humains.
Beaucoup de questions demeurent en suspens. Est-ce que les ordinateurs sont indispensables à l’école ? Est-ce qu’un bon professeur a réellement besoin de supports multimédias ? Est-ce que l’apprentissage des fractions est plus efficace sur l’ordinateur de la pomme (Apple) que sur une vraie pomme ?
De plus en plus de recherches démontrent que les ordinateurs inhibent l’apprentissage plus qu’ils n’y contribuent, ou que les enfants ne retiennent pas mieux les informations et n’apprennent pas à mieux lire grâce aux logiciels éducatifs. Par ailleurs, les scientifiques auraient prouvé que les ordinateurs sont susceptibles de nuire au cerveau enfantin et altérer certaines de ses capacités.
L’ironie de notre société progressiste bien-pensante se résume au fait que les producteurs de technologies si utiles et indispensables pour nos écoles et notre quotidien, envoient leurs enfants dans les écoles déconnectées, dans tous les sens du terme, du savoir du 21e siècle et leur interdisent d’en abuser à la maison. Depuis longtemps les mastodontes de la Silicon Valley ont tout fait pour vendre leurs idées (lire produits) au système d’enseignement du monde entier qui est dorénavant persuadé de l’utilité des technologies dans l’apprentissage, tout en étant dépourvus des moyens pour s’offrir une simple bibliothèque.
Or, tous ces visionnaires-innovateurs brillants, pensent-ils vraiment à l’avenir de l’humanité et son évolution de l’intelligence, ou à leur propre capitalisation boursière ? Visiblement, une fois de plus, le marketing parfaitement ficelé cache les dessous de la nature humaine, qui persiste à rester immuable tout le long de l’évolution darwinienne.
Est-ce que les inquiétudes et réflexions susmentionnées proviennent du fait que les parents d’aujourd’hui sont la dernière génération grandie sans ce biberon technologique et, donc, ayant peur des changements incompréhensibles à leur mentalité « vieillotte » ? Ce qui est en soi le phénomène arrivant à chaque génération sans exceptions…
Ou bien ces inquiétudes et questions semi-philosophiques sur l’avenir proche et corrélativement lointain doivent tout de même peser dans l’évolution de notre espèce qui, mis à part la destruction de l’environnement, est capable en toute tranquillité (en l’absence de bonnes questions) de s’autodétruire ?